Catherine Dajczman : Rite de passage
Depuis les quelques lectures publiques entendues ici et là depuis deux ans, la rumeur lui est hautement favorable. C’est maintenant que Catherine Dajczman dévoile vraiment Passages, un solo construit patiemment.
Elle a le regard pétillant, un sourire qui ne se fait jamais prier et une parole structurée qui montre à quel point elle a tourné et retourné son spectacle dans tous les sens avant de le lancer au vaste monde. Ses idées sont prestement alignées, son discours est maîtrisé et toujours joliment balancé; de quoi enguirlander le premier venu. "C’est important pour moi d’articuler une pensée. Le show vient d’une nécessité de prendre la parole et d’une quête de sens très concrète; je ne pense pas que ça puisse se faire de manière désorganisée."
Quête de sens. Le mot est lâché. Catherine Dajczman se méfie pourtant des expressions chargées que l’on pourrait associer à son spectacle, comme la populaire mais galvaudée "quête spirituelle" ou le fameux "rite initiatique". Ce qui l’intéresse avant tout, c’est de chercher du sens à travers sa propre histoire et son patrimoine génétique, de voir d’où elle vient et comment ses origines la déterminent. Ainsi, elle a plongé dans son histoire familiale et s’est passionnée pour ses contrastes fulgurants. D’un côté, un grand-père juif polonais qui a survécu aux camps nazis et dont l’histoire personnelle est parsemée de morts. De l’autre, une grand-mère québécoise née dans un rang, et qui a enfanté sans relâche pendant toute sa vie adulte.
"J’ai trouvé que ce contraste entre la vie et la mort était une très belle porte d’entrée dans mon histoire, explique-t-elle, et je me suis demandé comment tout ça me traversait. Je cherche à créer des liens entre la grande histoire, celle des camps nazis comme celle du Québec rural catholique, et ma propre vie. Et ce, sous forme de questionnements et de réflexions, sans jamais chercher une signification profonde et définitive."
Il ne faut pourtant pas s’imaginer que Dajczman a entrepris là une quête intérieure égocentrique. Elle s’est bien prêtée au passage à quelques rituels et expériences quasi chamaniques, comme cette "quête de vision" inspirée d’une tradition amérindienne, qui l’a amenée à passer trois jours seule dans la nature à interroger son âme et conscience, et qui sert d’ossature dramatique à la pièce. Mais elle envisage le rituel dans une perspective sociologique, ou même anthropologique. "Cette démarche-là n’a rien de new age ou fleur bleue. Elle m’a permis de me questionner sur les rites sociaux qu’on a évacués de notre société. Il n’y a plus de rituel pour transiter d’une étape à l’autre de nos vies, et c’est cette question très large que j’avais envie de poser d’une manière théâtrale. Et au fond, si le théâtre m’a toujours intéressée, c’est probablement à cause de sa dimension sacrée, et vice versa."
Pourtant, Dajczman affirme que rien de tout cela ne serait possible sans une bonne dose d’autodérision. "Je ris de ma trop grande volonté de tout savoir et tout comprendre, car il le faut bien, mais je ne veux pas que l’humour masque la profondeur du sujet. Le dosage est difficile, et je travaille très fort là-dessus avec mon metteur en scène Marcel Pomerlo."