De l’impossible retour de Léontine en brassière : Tableaux vivants
Avec De l’impossible retour de Léontine en brassière, les membres du Groupe de poésie moderne offrent une autre de ces aventures théâtrales totalement atypiques dont ils ont le secret.
Une chose est certaine, les créateurs du septième spectacle du Groupe de poésie moderne ont les muscles de l’esprit aussi déliés que ceux des bras et des jambes. Ludique, festive, diablement intelligente, pleine de dérision, et toujours bondissante, la représentation qu’ils ont orchestrée détonne joyeusement dans l’actuel paysage théâtral montréalais. Avec De l’impossible retour de Léontine en brassière, on entre dans un univers délicieusement baroque, dadaïste, une zone où les idées, les corps, les sons, les mots et les perruques (!) voyagent on ne peut plus librement.
Pour la virtuosité des comédiens, pyrotechnie verbale aussi bien que physique, on pense nécessairement aux premiers spectacles de la compagnie Ubu ou encore à ceux du Groupe Audubon. Une comparaison tout ce qu’il y a de plus flatteuse. Brillants, explorant la langue et l’absurde sans jamais quitter complètement la surface de la terre, les courts textes de Bernard Dion et Benoît Paiement sont mis en scène comme des tableaux, c’est-à-dire que les morceaux sont contrastés, voire disparates, mais qu’ils entretiennent toujours une captivante dialectique. Avec un minimum de moyens matériels mais quatre comédiens en or – Benoît Paiement, Christophe Rapin, Félixe Ross et Christian E. Roy -, Robert Reid signe un spectacle inventif et presque toujours vigoureux (il faut admettre qu’on ressent un petit relâchement dans le dernier tiers de la soirée).
Mettant en parallèle l’histoire d’une comédienne (qui compte bien se venger d’avoir été congédiée à cause de son âge) et rien de moins que la vie pleine de faits saillants du peintre Paul-Émile Borduas, le spectacle arrive à faire rire de bon coeur tout en infusant des connaissances sur la société canadienne-française et la fonction de l’art au temps on ne peut plus inspirant du Refus global. En s’interrogeant avec humour et persistance sur les rouages de la création, la pratique des automatistes tout autant que la sienne, le Groupe de poésie moderne offre une vivifiante "fresque historico-picturale à grand déploiement", une oeuvre à laquelle on ne saurait trop vous recommander de vous exposer.
À voir si vous aimez /
Le mouvement automatiste, l’histoire du Québec et les dadaïstes