Pauline Martin : Le mal du pays
Scène

Pauline Martin : Le mal du pays

Pauline Martin est de la nouvelle pièce de Jean-Rock Gaudreault, Une maison face au nord, un récit familial qui tient aussi de la fable identitaire et politique, tout en étant profondément ancré dans le territoire saguenéen.

Elle a vu le jour à Chicoutimi, et son partenaire de jeu Michel Dumont est né quelques kilomètres plus loin, à Jonquière. C’est ce territoire, emblématique d’une certaine identité québécoise et de ses aspirations nationalistes, que Jean-Rock Gaudreault, né lui aussi pas très loin de là, a voulu faire voir. Sur la scène du Théâtre Jean Duceppe, Pauline Martin se fera le cadeau ultime: faire entendre l’accent saguenéen dans toute sa splendeur. Cet accent qu’elle a forcément perdu à l’école de théâtre, elle le retrouve sur demande. "On ne va pas du tout dans la caricature, mais il fallait faire entendre la musique de la région, qui est partout dans ce texte. L’humour saguenéen, l’autodérision y sont aussi très présents."

Un texte dramatique québécois s’attachant si fort au territoire et à la langue, tout en abordant en filigrane les thèmes de l’américanité, de l’ethnicité et de l’héritage, il s’en fait de moins en moins dans notre horizon théâtral. Pas étonnant qu’il ait déjà fait l’objet d’une production par le Théâtre de la Rubrique, à Jonquière, tout juste la saison dernière, avant de tomber dans l’oeil de Michel Dumont.

Dans leur maison face au nord, Henri et Anne-Marie constatent les échecs de leur vie. Elle, la mère et l’épouse courageuse, a échoué à transmettre ses valeurs à ses enfants, partis vivre une vie jet-set qu’elle ne comprend pas. Lui, travailleur infatigable et amant de la nature, se désole du pays qu’il ne verra jamais naître. Ce matin-là, leur fils est à la une du journal pour une histoire de fraude, et leur univers éclate en mille morceaux.

"Je qualifierais le texte d’impressionniste, dit Martin, parce que sa structure par tableaux me donne l’impression de regarder l’album de la vie de ce couple sur une année, en m’arrêtant sur les photos les plus évocatrices. Et puis Jean-Rock met très habilement en parallèle la vie privée et la vie collective de ses personnages."

À mesure qu’ils se déçoivent de leur existence, ils font la rencontre de nouvelles personnes, appartenant au nouveau paysage québécois, qui feront une différence dans leur vie. Il y a Henriquez (Marcelo Arroyo), un Guatémaltèque qui deviendra presque le nouveau fils d’Henri, et Larry (Harry Stanjofski), un anglophone avec qui il finira par partager plus qu’il n’imaginait. "C’est une pièce qui s’adresse d’abord au coeur, ajoute Martin, et ensuite à l’intelligence et à la pensée critique. Je crois qu’elle déclenchera un tas de discussions chez les spectateurs."

Le monde change, mais pour ces Saguenéens au coeur tendre et à la parole franche, il n’est pas si facile de renoncer au passé. Ce sont des personnages d’une grande bonté mais néanmoins très durs, dont les opinions tranchées et les valeurs affirmées se heurtent avec violence aux mutations contemporaines. Heureusement, il y a l’amour. "Ça ne tombe jamais dans le sentimentalisme ou dans l’excès, dit l’actrice, mais ce couple s’aime encore très fort. C’est du vrai monde, les émotions sont d’une grande vérité, d’une grande justesse. Et on joue ça le plus "vrai" possible."