Diego Aramburo : Le côté obscur de la force
Diego Aramburo propose une vision actuelle et humaine de Macbett, avec Nicola-Frank Vachon dans le rôle-titre. Première pour une pièce d’Ionesco au Théâtre du Trident.
À l’invitation de Gill Champagne, dont il avait fait la connaissance lors d’une résidence au Trident en 2006, le metteur en scène bolivien Diego Aramburo a accepté de revenir à Québec pour monter le Macbett d’Ionesco. Après s’être passionné pour la pièce de Shakespeare, à l’époque de l’université, il était heureux de retrouver la même histoire sous la plume de ce maître de l’absurde. "Déjà, dans Macbeth, il y a une question de pouvoir. Pour moi, c’est très important, peut-être parce que la politique est toujours présente dans notre vie en Amérique du Sud, observe-t-il. Je pense que la façon dont Ionesco a abordé la pièce nous laisse voir plus profondément l’humanité derrière tout ça. Sa version demeure vraiment très proche de celle de Shakespeare, mais je dirais qu’elle est plus noire." "Il y a un humour là-dedans, une absurdité très grinçante, très réaliste, qui peut facilement coller à notre époque", ajoute Nicola-Frank Vachon.
La priorité du metteur en scène a d’ailleurs été de trouver "comment toucher l’actualité avec ce texte". Pour ce faire, il a d’abord mis de côté les didascalies et, partant du fait que "le pouvoir, la guerre sont devenus très médiatiques", il a eu l’idée de transformer le tout en manière d’émission enregistrée devant une assistance, où une caméra suit les personnages. "L’image qu’on a créée pour l’espace est celle d’un plateau de télévision, explique-t-il. Ça a orienté notre façon de travailler la lumière, les accessoires, mais il n’y a pas de projections." "Les personnages savent que rien de ce qu’ils font ne passe inaperçu et chacun cherche à se gagner le public, poursuit le comédien. Ça a amené un autre niveau dans le jeu, c’est-à-dire d’interpréter la scène et de le faire devant la caméra. Mais le côté téléréalité ne prend jamais le premier plan; ça donne seulement une couleur, un ton à l’ensemble."
En fait, plus la pièce avance, plus la tragédie prend le pas sur ce procédé. "Macbett est un gars très pur, dans le sens où il est naïf au début. C’est un soldat qui croit en son souverain, qui va tout faire pour le défendre, mais il s’agit aussi d’un être humain avec des faiblesses. Il veut le pouvoir, même s’il prétend le contraire, et il finit par flancher, par perdre le contrôle, raconte Vachon. Il est toujours en contradiction; quand il dit qu’il aime son roi, une partie de lui n’y croit pas et quand il dit qu’il veut le tuer, une partie de lui pense que ce n’est pas la chose à faire." "Avec la musique, on crée une atmosphère vraiment lourde, obscure et, de l’autre côté, tout le plateau est blanc, pur, les costumes de cette armée sont beaux, fashion", renchérit Diego Aramburo, quant à sa façon d’exprimer sur scène les paradoxes de la vie. En ressort apparemment une impression troublante, propre à hanter le spectateur plutôt qu’à le rassurer avec des réponses toutes faites.