Duda Paiva : Ange exterminateur
Le danseur et comédien Duda Paiva fait corps avec une marionnette dans Angel, un conte noir pour adultes qui a raflé six prix depuis sa création.
Son vrai nom est Eduardo Paiva da Souza. Brésilien d’origine et danseur de formation, Duda Paiva est passé par l’Inde et le Japon avant de trouver en Hollande un lieu d’accueil et d’expérimentations artistiques. En 1998, la découverte de la manipulation de marionnette éveille en lui le désir de passer de simple interprète à créateur.
"La marionnette m’a donné de la joie et quand je suis joyeux, j’ai envie de créer, lance celui qui fut sacré meilleur danseur néerlandais en 2000. À l’époque, je trouvais que la danse devenait très introvertie, très mentale et comme danseur, j’avais l’impression de faire partie d’un puzzle mathématique. Avec la marionnette, je pouvais aller beaucoup plus dans l’humour, ce qui est très important pour moi, ou même dans le drame. J’aimais les possibilités théâtrales qu’elle m’offrait."
Il collabore d’abord avec des chorégraphes et un metteur en scène avant de se lancer dans son premier solo avec Angel, en 2004. Première des neuf oeuvres au répertoire de la Dudapaiva Company, la pièce a remporté des prix en Espagne, en Bolivie et dans quatre pays de l’Est. Elle met en scène la rencontre improbable d’un vagabond et d’un angelot dans le décor d’un cimetière. Pourquoi sont-ils ici et qu’ont-ils à vivre ensemble? Lequel des deux est-il le plus perfide? Cette rencontre a-t-elle bel et bien lieu ou n’est-elle que le fruit de l’imagination du clochard? On ne le saura pas avant le dénouement et l’on sera tenu en haleine par un corps à corps étonnant entre Paiva et une marionnette de mousse de la taille d’un enfant.
"L’idée de la pièce est arrivée par une photo d’un cimetière à Cuba avec un ange un peu grassouillet assis sur une tombe, raconte l’artiste. Il faisait une de ces têtes! Comme s’il détestait être là. J’ai pensé que cette statue à cet endroit précis avait quelque chose à me dire. Et c’est de là qu’est née l’histoire." Extrêmement bien définis, les personnages montrent tour à tour leur côté sombre ou lumineux. L’un s’exprime en français, l’autre en anglais. La tension dramatique entre eux est si grande et la relation physique est si fluide que personne ne doute qu’il s’agit d’un duo.
"C’est puissant d’avoir ces deux corps qui bougent et existent simultanément, commente Paiva. Tu peux jouer avec le mouvement pour créer des illusions. C’est un exercice technique très difficile, mais cela me permet de créer des images surréalistes, de faire naître une réalité plus grande que la vraie vie. Un critique norvégien a dit de mon dernier spectacle qu’il est le plus grand cauchemar de Salvador Dali. C’était un compliment, bien sûr."
Tel un sculpteur, Paiva dégage la forme de ses marionnettes d’un gros bloc de mousse qu’il attaque progressivement aux ciseaux, testant sans cesse la qualité de mouvement et d’expression qu’elle lui permet. L’opération prend en moyenne six semaines. Et si l’objet finit par être doté d’une vraie personnalité, c’est en grande partie grâce aux émotions qui jaillissent dans l’abstraction même du mouvement. Magie de l’art chorégraphique que l’artiste a si bien intégré qu’il a fait disparaître le texte de ses plus récentes créations.