Noam Gagnon : One man show
Noam Gagnon se distancie du duo mythique qu’il a formé avec Dana Gingras dans The Holy Body Tattoo pour se frotter au solo. Il présente The Vision Impure, un triptyque créé avec deux autres chorégraphes.
Interprète aussi sensible que fougueux, Noam Gagnon est arrivé à la danse par les arts visuels et la performance. De "l’art portable" qu’il cherchait à incarner au tout début des années 80, il a glissé rapidement vers cette danse énergique et viscérale qui caractérise les oeuvres de The Holy Body Tattoo (THBT), compagnie qu’il a fondée à Vancouver avec sa partenaire Dana Gingras. Leur duo a séduit les scènes canadiennes et internationales pendant près de 15 ans et le temps est maintenant venu où chacun explore de nouveaux territoires de création en solo. C’est ainsi que Gagnon a créé une nouvelle structure, Co. Vision Selective, qui coproduit avec THBT le spectacle présenté au Théâtre Centennial.
"Je suis d’où je viens et dans les rythmes, la physicalité et surtout la force, l’intensité et la vitesse, il y a des similarités avec le travail de Holy Body Tattoo, reconnaît le Montréalais d’origine. Mais là, ma gestuelle est plus personnelle. J’ai une opportunité de me recréer physiquement et de reconsidérer la vision que j’ai de moi-même. C’est pour ça que je suis allé chercher d’autres chorégraphes: pour me sortir de mes patterns et de mes perceptions."
D’une durée d’une heure et 40 minutes, le spectacle constitue un marathon quasi surhumain pour un soliste. Et quand on sait que Gagnon a fêté ses 46 ans cette année, on admire encore plus la prouesse. Mais on ne s’étonne pas de ce choix car, depuis toujours, il emprunte la voie de l’épuisement pour révéler la beauté et l’humanité du danseur par-delà l’effort qu’il fournit. On comprend donc qu’il ait sollicité le chorégraphe Daniel Léveillé pour bousculer ses habitudes.
"Il est vraiment l’antithèse de tout ce que je suis, mais on se rejoint sur le niveau d’intensité, s’exclame Gagnon en riant. Lui, il cherche l’impossible. Les mouvements qu’il demande sont irréalisables et chercher à les exécuter finit par révéler la simplicité de l’âme. Ce que j’aime beaucoup de son travail, c’est qu’il ne laisse pas de porte de sortie pour t’échapper. Tu dois faire face et ce qui m’intéresse en ce moment, c’est de m’exposer et de me laisser voir dans ce qui m’affole, me fait peur, ce que j’essaye de cacher…" Pourtant, le danseur ne confrontera pas sa plus grande crainte, qui est de danser entièrement nu. Léveillé a accepté qu’il s’habille de sa traditionnelle tenue de ville noire pour ce solo qu’il considère encore comme une étude. Intitulé Untitled no 1, il clôture la soirée.
Avant cela, Gagnon aura dansé When That I Was, une création de Nigel Charnock. Cofondateur du réputé DV8 Physical Theatre, le Britannique n’hésite pas à ajouter du texte et du film à la danse. "Nigel est un grand copain et ça a été très facile et très rapide avec lui, confie Gagnon. Quand il me demandait de créer de l’humour autour des thèmes qu’il me proposait, ça faisait juste ressortir qui je suis dans mon quotidien et ça m’a surpris beaucoup parce que j’ai découvert que je pouvais garder mon sens de l’humour en arrivant sur scène."
La première partie de la soirée est du pur Noam Gagnon, avec trois courtes pièces (Gone, Unfold Me et A Few…), qui ont déjà eu plusieurs vies et ont été retravaillées pour finir par former un tout cohérent. The Vision Impure n’en est donc pas à sa première mouture et l’on peut espérer que l’oeuvre se soit bonifiée depuis qu’elle a rapporté au danseur, en 2008, un prix Isadora Duncan pour la qualité de son interprétation.
"Il faut vraiment être persévérant pour être artiste aujourd’hui, commente-t-il. Surtout avec la crise et ce qui se passe sur le plan gouvernemental. Parfois, je me demande encore si je vais pouvoir payer mon loyer. Alors, qu’un public pense à toi et te donne un prix, ça touche énormément, et ça me donne le courage de continuer."