Jonathan Charbonneau : Ma génération
Jonathan Charbonneau signe le texte et la mise en scène de la nouvelle création de sa compagnie, H20 Théâtre. Une fois j’ai voyagé à New York est un hymne à l’amitié, le portrait d’une génération désorientée. Conversation.
Il est d’abord acteur, mais il écrit sans cesse depuis le début de ses études en théâtre. Après Sous-sols, une pièce dans laquelle il dépeignait le quotidien sclérosé d’une bande de jeunes confinés à jouer à des jeux vidéo dans leur appartement, il s’est risqué au théâtre d’été et à la pièce historique. Mais son vrai dada, c’est le théâtre réaliste à l’américaine, avec ses dialogues précis et ses personnages en tensions, et ce, toujours à saveur autobiographique.
"Je suis passionné par le réalisme façon David Mamet. Son travail sur la langue réaliste et les rapports de force m’a toujours beaucoup plu. C’est très intime, très proche du réel, ça m’a beaucoup marqué. Je n’essaie pas de reproduire cela dans mon écriture, mais ça m’influence certainement."
La langue de Charbonneau est toutefois plus viscérale que les dialogues calculés de Mamet et des autres auteurs de sa lignée. Ses personnages, de jeunes adultes qui glandent tous les soirs dans un parc en cherchant du sens à leur existence, parlent un langage cru et direct qui reproduit très exactement le réel. "Dans leur langage, il y a une détresse cachée. De la peur, de la rage, de l’agressivité. C’est une langue qui atteint le spectateur directement. On ne peut pas la censurer, on ne peut pas la réfréner, on ne peut pas la baliser. C’est une langue qui doit sortir, qui s’exprime d’elle-même."
Il affectionne aussi ce qu’il appelle des "bulles d’imaginaire", sortes d’interruptions momentanées du réalisme "par l’apparition de scènes fantasmées, de flash-back ou de déplacements spatio-temporels, mais qui demeurent assez réalistes et ne vont pas non plus du côté de l’onirisme extrême". "Ce sont des interruptions imagées, théâtrales, qui nous font dévier du réalisme pour un court instant."
Dans Une fois j’ai voyagé à New York, les cinq amis se réfugient, avec l’aide de la drogue, dans un monde imaginaire qui leur fait oublier leur réalité décevante. "J’essaie de mettre le doigt sur des fléaux de ma génération, des réalités qui m’ont touché personnellement, moi et mes amis: l’isolement, les questionnements sur l’identité, la perte de repères et de modèles, la difficulté d’entrer dans la vie adulte, la banalisation de la drogue, etc. C’est une fable sur l’amitié."
Charbonneau aborde aussi un sujet difficile: la maladie mentale qui a atteint l’un de ses vieux amis et avec laquelle il n’a jamais trop su composer. "C’était mon meilleur ami, qui, comme on le voit dans la pièce, m’a sauvé la vie quand j’étais jeune. J’ai voulu lui sauver la vie à mon tour quand les choses se sont mises à moins bien aller pour lui. Mais il est devenu de plus en plus malade, on a d’abord cru qu’il était maniaco-dépressif, il s’est mis à prendre des médicaments, puis a fait des psychoses, et finalement il est devenu schizophrène. On ne sait jamais trop comment réagir face à ça, et c’est un peu ce que la pièce raconte."