La Réforme Pinocchio : Épopée rock
Un conte à l’humour acide, sans fée ni princesse, imaginé par huit gars. La Réforme Pinocchio s’installe à Premier Acte.
Le spectacle s’ouvre sur un "Il était une fois", mais la suite n’a rien du conte classique. Dans un royaume pas si lointain, un empereur règne en maître sur des sujets dépourvus d’émotions. Un seul mot d’ordre: productivité. L’art a depuis longtemps disparu, emportant avec lui toutes les autres choses inutiles. Mais l’ordre social est ébranlé lorsqu’une maladie frappe les enfants, les laissant dans un état presque catatonique. Vite, il faut trouver une solution pour que la chaîne de production reprenne son cours.
À quelques jours de montrer sa création collective devant public, l’équipe se réjouit presque du fait que de nos jours, on ne lance plus de tomates au théâtre. "On ne sait vraiment pas comment les gens vont réagir!" confie l’un des acteurs, Benoît Cliche. Il enchaîne: "On a juste peur de ne pas être compris, que les gens prennent ça au premier degré." Parce que La Réforme Pinocchio dépeint une société dure, violente, où il n’y a pas de place pour les faibles. "Pour venir voir notre show, faut avoir bien mangé, être en forme et dispo parce que c’est pas reposant!"
Derrière ce conte parodique, sept acteurs, dirigés par Jean-Michel Déry, "toutes des têtes fortes", affirme Cliche. Parmi eux, plusieurs figures montantes de Québec, des "acteurs en vogue", ajoute le comédien avec un brin de sarcasme. "On est tous des gars avec des imaginaires forts, donc les idées s’entrechoquent souvent, mais ça fait que ça ressemble à rien d’autre." Israël Gamache, qui joue le bras droit de l’empereur, renchérit: "Je pense que c’est pas du théâtre qu’on a vu souvent à Québec. C’est à la fois une histoire tragique et absurde, parfois réaliste et parfois distanciée."
L’idée de faire un spectacle proche du grotesque germe depuis leur passage au Conservatoire, où ils ont frayé avec l’art du bouffon à la Le Coq. Restait à trouver l’équipe. "Jean-Michel voulait s’entourer de gens qui n’avaient pas peur d’aller trop loin, de travailler avec une gang de fous, car on n’est pas loin de la folie"! ajoute Israël Gamache.
Dans leur monde de fous, les femmes n’existent pas. Mais cette exclusion des mères n’était en rien un prétexte pour se donner de beaux rôles de pères. "On risque là aussi de choquer parce que leur façon d’élever leurs enfants est vraiment discutable, indique Cliche. C’est comme si, dès la naissance, les pères se disaient: "Bon, la job est faite, t’es né, alors organise-toi." Et ils ne s’en occupent plus. Ensuite, ils cherchent pourquoi leurs enfants sont presque débiles, mais ne se disent jamais qu’ils ont peut-être quelque chose à voir là-dedans." "On avait envie de parler du manque d’attention des parents, pris dans un tourbillon, qui foutent les enfants devant la télévision", commente Gamache.
La seule touche féminine du spectacle, c’est la scénographe Marie-Renée Bourget-Harvey qui l’applique. Elle a imaginé un "décor à la Dogville, où ce sont les éclairages qui définissent l’espace", contrebalancé par des costumes flamboyants.
Et Pinocchio, là-dedans? "C’est une surprise! Mais en tout cas, c’est pas le Pinocchio de Disney, mais celui du conte original, très noir", conclut Israël Gamache.
Reste à voir si une telle histoire peut se dénouer par un "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants". On en doute.