Lydia Wagerer : Blind date
Scène

Lydia Wagerer : Blind date

D’une rencontre impromptue avec une jante de vélo est née la nouvelle création de Lydia Wagerer. Sur scène, huit danseurs et une vingtaine de jantes entreront dans la danse des relations humaines.

Accro du vélo, Lydia Wagerer? Sans aucun doute. D’un souffle, elle évoque des randonnées solitaires dans les Rocheuses, un voyage au Japon, ainsi que le côté extrêmement humain de cette façon de voyager, qui incite aux rencontres. "Les gens qui me connaissent ont tendance à penser que Jante va parler littéralement du vélo. Ce n’est pas le cas, mais ça peut évoquer l’intérêt que j’ai pour le vélo, son côté humain, nuance-t-elle. C’est tellement une belle façon d’entrer en relation avec les autres!"

Au départ, l’idée de travailler avec cet objet n’est pas de la chorégraphe, mais de Pierre Bernier, du Muséovélo, qui lui aurait un jour tout bonnement donné l’objet pour qu’elle "s’amuse" avec. D’abord peu "allumée", la chorégraphe, philosophe, décide de ne pas refuser ce que la vie lui propose spontanément. S’ensuivent trois semaines d’expérimentation libre en studio où, avec ses huit interprètes, elle s’est laissé porter par le potentiel créateur de l’objet. "Je voulais me retrouver avec beaucoup de danseurs, ce que je n’avais jamais eu l’occasion de faire. Je leur ai donné beaucoup de liberté pour essayer des choses, transformer l’objet. Ça a vraiment allumé leur imaginaire", confie-t-elle.

Deux ans plus tard, la pièce Jante est née. Wagerer s’y s’intéresse aux relations entre les personnes, à la vulnérabilité et aux liens de confiance qu’on développe à l’approche de l’autre. L’objet circulaire y devient évocation, lieu d’échange, de partage, élément scénographique… "C’est ce qu’on appelle souvent en théâtre la transformation de l’objet, explique la chorégraphe. En toute simplicité, la jante contribue à l’image poétique, à tisser des relations entre les danseurs. Je pense que le résultat est touchant et même sensuel."

LACHER PRISE

Pour une des premières fois, Lydia Wagerer crée une pièce de son propre cru sans l’interpréter, une décision qui fait aussi partie de son travail de recherche. Pour diriger efficacement ses danseurs, elle a donc dû, d’une certaine manière, lâcher prise. "J’ai toujours été très proche de l’interprétation de mes chorégraphies. Cette fois, ma recherche consistait aussi à changer mon rôle, à prendre plus de distance. J’ai une vision de ce que j’aimerais, et souvent le danseur l’interprète d’une autre manière; j’ai donc dû apprendre à l’accepter et à me nourrir de ça."

Très occupée ces dernières années, la chorégraphe a décidé l’an dernier de passer le flambeau de la gestion des ateliers CorresponDanse pour se consacrer plus entièrement à la création, elle qui n’avait pas présenté d’oeuvre personnelle depuis 2004. Un tournant entièrement assumé par la créatrice: "J’essaie d’être dans le moment présent et d’avoir du plaisir. Je veux aussi prendre le temps de réfléchir, de me demander ce que je veux de la danse, pourquoi je fais ça. C’est ce que je n’avais pas pu faire ces dernières années. Je ne fais pas de recherche pour révolutionner la danse; c’est plutôt une exploration de ma relation avec ce médium. Ce que je constate? Ce sont les relations humaines qui m’ont toujours intéressée; ce que j’appelle le viscéral, et sur lequel on n’est pas toujours capable de mettre des mots."