Macha Limonchik : Chanter la pomme
Scène

Macha Limonchik : Chanter la pomme

L’amour, toujours l’amour. S’il faut en croire Macha Limonchik, c’est d’amour, de bonheur et de légèreté que le metteur en scène René Richard Cyr veut nous parler en dirigeant Beaucoup de bruit pour rien, de Shakespeare.

La comédienne Macha Limonchik est enrhumée le jour de notre entretien, et craint que son "cerveau en miettes" n’entache son éloquence. Elle parle pourtant de la célèbre comédie shakespearienne avec passion et sagacité. "Notre désir, c’est de raconter l’histoire en toute simplicité, comme pour ouvrir la voie, comme une porte d’entrée dans l’oeuvre, un premier défrichage." L’adaptation de René Richard Cyr va d’ailleurs droit au but. À la poubelle, les nombreux personnages secondaires, les passages trop bouffons et les références indigestes pour le spectateur contemporain. Qui plus est, il a transporté l’action dans un verger, à la campagne, loin des convenances et des exigences de la ville sicilienne où se situait le texte original.

C’est là qu’évolueront en parallèle les amours juvéniles de Claudio et Héro (Maxim Gaudette et Sophie Desmarais) et la relation en dents de scie de Béatrice et Bénédict (David Savard). Les hommes reviennent de la guerre, il y a de la fébrilité dans l’air, et tout le monde se mêle des amours de tout le monde. Sous l’influence des moins bien intentionnés, les femmes se substituent l’une à l’autre et causent des méprises qui font soudainement basculer le jeu de la séduction dans le registre tragique. Mais pas pour longtemps, rassurez-vous, car dans ce type de comédie shakespearienne, tout est toujours bien qui finit bien.

L’actrice se réjouit de cette version revue et corrigée. "Je n’aurais peut-être pas accepté de jouer dans l’une des pompeuses traductions françaises. René Richard a recentré le propos sur la simplicité et la drôlerie. Ça fait du bien. Je pense qu’en vieillissant, j’apprécie cette candeur-là. On vit tellement de merde au quotidien que je prends le fun quand il passe. Et de plein gré."

Elle dit ça, bien sûr, avec un sourire rayonnant. N’allez pas croire qu’elle est amère ou enragée. Pas plus que son personnage d’ailleurs, une femme en colère mais tout de même remplie d’espoir. "Elle est découragée, cette fille, elle aimerait connaître l’amour, mais ce qui lui pend au bout du nez si elle cède lui apparaît trop horrible et trop triste. Je me reconnais pleinement là-dedans, j’ai probablement dit la même chose à plusieurs hommes quand j’étais un peu plus jeune. Mais n’oublions pas que tout ça est fait avec légèreté. On pourrait aller profondément dans les tourments amoureux de Béatrice et ça deviendrait une tragédie, mais c’est abordé du coin de l’oeil."

UNE FEMME DE CARACTERE

L’étiquette de "pièce pré-féministe" a souvent été accolée à Beaucoup de bruit pour rien, comme à La Mégère apprivoisée, autre comédie shakespearienne dans laquelle Limonchik a joué le rôle principal, en 1995 au TNM. "Béatrice est encore plus féministe que la mégère, ajoute-t-elle, parce qu’elle est intelligente et cultivée, elle a les mots pour le dire." Et elle cite: "Oh, que ne suis-je un homme! Je ne peux me faire homme à force de le souhaiter, je mourrai donc femme, à force de le regretter."

La force de caractère de Béatrice donne en tout cas lieu à des scènes de vive répartie. "Toi et moi avons trop d’esprit pour nous aimer tranquillement", lui répond Bénédict quand elle lui demande pour laquelle de ses qualités il a souffert l’amour pour elle. "On imagine que son histoire avec Bénédict dure depuis des lunes, explique Limonchik. Ils se piquent sans arrêt et tout le monde sait que derrière ça il y a de l’affection, peut-être de l’amour, peut-être du désir. Ça ne se développe jamais, à cause de leur orgueil, et peut-être à cause de leur peur aussi."

À voir si vous aimez /
Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, La Mégère apprivoisée et Roméo et Juliette de Shakespeare