Pierre-Paul Savoie : De la grande visite
Scène

Pierre-Paul Savoie : De la grande visite

Pierre-Paul Savoie fête les 20 ans de sa compagnie en présentant l’intégralité du cycle Diasporama, quatre oeuvres commandées à des chorégraphes canadiens expatriés.

D’une durée moyenne de 30 minutes, les oeuvres de la série Diasporama mettent en scène des solos et des duos présentés par groupes de deux. Du 12 au 14 novembre, Pierre-Paul Savoie partage la scène avec Marc Boivin dans Mi-un ni d’eux, de Luc Dunberry, désormais établi à Berlin, et il interprète seul Je suis moche, de Mireille Leblanc, basée à Göteborg, en Suède. Du 19 au 31 novembre, il ouvre la soirée en solo dans Bain public de la New-Yorkaise d’adoption Linda Mancini et présente pour la deuxième fois … et comme si le ciel allait s’embraser, signée André Gingras, qui vit à Amsterdam. Une première montréalaise, deux premières mondiales et une reprise qui prend des airs de nouveauté grâce à un changement total de distribution.

"Lael Stellick a coloré de manière très différente le personnage créé avec Vincent Morel: c’est devenu une espèce de fou avec quelque chose d’enfantin qui lui donne un air encore plus dangereux, commente Savoie. Je suis impressionné par son interprétation. J’ai donné mon rôle à Andrew Turner dans une deuxième étape. Quatre productions, c’est un gros programme pour un homme de 55 ans, et je sens aussi que le temps de la transmission est arrivé pour moi. Et puis, je pense que cette pièce est faite pour des interprètes plus jeunes. Avec eux, la physicalité est plus forte et le langage chorégraphique ressort mieux."

Si la pièce de Gingras est toute en violence projetée dans l’espace, le duo créé par Dunberry dégage une poésie qui exige elle aussi un engagement physique important. Attachés comme deux frères siamois, Savoie et Boivin y cherchent en permanence un rythme et un équilibre commun dans une lenteur qui leur complique la tâche. De leur côté, les deux chorégraphes féminines ont choisi la forme du solo, optant pour une théâtralité plus forte que dans les deux autres pièces.

Influencée par le courant de l’absurde en vogue en Suède et par la dégénérescence d’une personne de son entourage, Leblanc crée un personnage en perte d’autonomie en s’inspirant d’un roman de Romain Gary. "Comme dit Lise Vaillancourt, qui est la dramaturge, Je suis moche est un morceau de bravoure parce que les lignes chorégraphiques et textuelles sont très coordonnées, elles sont enchevêtrées. Il y a beaucoup de texte et le langage chorégraphique est fait d’actions quotidiennes, comme cracher ou se gratter. La dimension absurde vient de l’enchaînement incongru d’éléments hétéroclites."

Plus courte, la pièce Bain public est une étude sur la façon d’habiter la lourdeur et l’épaisseur d’un corps immobile. Calé au fond d’une baignoire où il semble avoir trouvé refuge, Savoie repasse le souvenir d’évènements qui lui ont brisé le coeur. Le langage gestuel est simple, au service d’une dramaturgie portée par les voix off de messages laissés sur des répondeurs téléphoniques. "C’est une espèce de soap dans lequel on a réussi à créer un point de tension intéressant, indique le directeur artistique de PPS Danse. On sent beaucoup l’influence de la société américaine, c’est très new-yorkais… Ces quatre pièces sont vraiment des voyages dans des univers très spécifiques."

En présentant cette tétralogie dans son intégralité, le chorégraphe-interprète offre un intéressant panorama sur la façon dont nos artistes fleurissent à l’étranger. Tandis qu’il est allé chercher un peu d’ailleurs en s’adressant à ces créateurs expatriés, il leur a donné l’occasion de venir se ressourcer dans la mère patrie. À ses dires, tous les quatre ont mentionné le confort particulier d’être relié à leur culture d’origine et la joie de revenir chez eux pour montrer le résultat de leur évolution artistique. "Ils auraient joué au Covent Garden que ça n’aurait pas été plus signifiant", conclut-il. Un programme stimulant agrémenté d’un forum intitulé L’Exil créateur ouvert aux artistes migrants de toutes les disciplines.