Scotstown : Régions sauvages
Avec Scotstown, Fabien Cloutier dresse un portrait particulièrement navrant de la vie en région.
Créé en 2008, Scotstown est un conte, un conte un peu urbain mais surtout rural. À vrai dire, le spectacle signé, mis en scène et interprété par Fabien Cloutier est une suite de récits, des aventures sans queue ni tête, on ne peut plus rocambolesques et parfois même surnaturelles, mises bout à bout pour le pur plaisir de faire rire la galerie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça fonctionne. Le soir de la première médiatique, la salle était à ce point hilare que quelqu’un aurait pu mourir de rire sans que personne ne s’en rende compte.
Sur papier, la démarche de Cloutier est louable. Le jeune homme souhaite nous confronter à l’ignorance et à la violence des gens qui habitent les régions les plus reculées du Québec. Si l’on se fie au spectacle, les habitants de Scotstown ou Sainte-Marie-de-Beauce sont des imbéciles heureux. Ils sont racistes, homophobes, xénophobes, alcooliques, toxicomanes, violents, bêtes, méchants, consanguins, pédophiles et encore bien d’autres choses du même acabit. Le portrait est si cauchemardesque qu’on a peine à le croire réaliste ou même fidèle à une certaine réalité.
Devant tant de niaiserie, on est choqué, dégoûté, heurté… et c’est probablement l’effet recherché. Le problème, c’est que la dénonciation n’est pas franchement au coeur de la représentation. Cloutier suscite une gênante communion entre son odieux personnage et le public, une adhésion qui donne parfois au solo des airs de stand-up. Si le spectacle est un appel au changement, disons que la convention n’est pas claire, le ton, pas assez satirique. Dans Venise-en-Québec, Olivier Choinière dressait lui aussi un portrait navrant des habitants des régions, mais il le faisait en transcendant suffisamment le réel pour qu’on reçoive la représentation comme une claque en plein visage. Dans le cas de Scotstown, le malaise – que plusieurs, trop occupés à rire, ne ressentent visiblement pas – reste sans but.
Cela dit, Cloutier a créé une langue qui vaut le détour, un parler limité, boiteux, approximatif et truffé de mots vaguement anglais, mais particulièrement imagé. De plus, le comédien est à la hauteur du défi qu’il s’est posé. Seul en scène avec une chaise-sculpture et quelques projecteurs, il tient son public en haleine, ne perd jamais son tonus et sa précision. À vrai dire, il est si convaincant qu’on a très hâte de le voir défendre… un autre texte.
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