Eric Jean et Vincent Letellier : Son et lumière
Avec Chambre(s), Eric Jean explore de nouveaux territoires, empruntant à l’abstraction de la danse et faisant la part belle à l’environnement sonore. Entrevue avec le créateur et son complice musical Vincent Letellier, alias Freeworm.
D’entrée de jeu, Eric Jean met les choses au clair: on n’ira pas voir Chambre(s) pour se faire raconter une histoire. Mieux vaut se rendre au Quat’Sous avec le désir de vivre une expérience multisensorielle, en étant ouvert aux émotions. "Les personnages sont les comédiens, qui portent leur propre nom. Ils partagent des anecdotes, des souvenirs, des rêves. Mais leur identité est parfois transformée, fantasmée. Il n’y a pas d’histoire, mais des microhistoires, des petites bulles. C’est un spectacle très impressionniste, qui se situe à la frontière entre la réalité et la fiction, le rêve, l’invention."
À la base de ce spectacle, un important travail d’improvisation réalisé avec les comédiens – Évelyne Brochu, Maxime David, Sébastien David, Sylvie Drapeau, Matthieu Girard, Alexandre Landry et Sacha Samar. Jean explique: "Nous avons fait 11 ateliers d’improvisation avant d’écrire le texte avec Pascal Chevarie, conseiller dramaturgique. Nous avons créé une courbe émotive et non narrative. Les sept acteurs sont traités comme sept poèmes, qui se dévoilent peu à peu. Le fil conducteur, ce sont les thèmes abordés: l’identité, l’intimité, le rêve."
Pour accompagner ces dévoilements, Eric Jean a fait appel au compositeur Vincent Letellier, mieux connu sous le nom de Freeworm, à qui l’on doit notamment l’album Solar Power, paru en 2003. "Mon désir dès le départ était de créer des images sonores, raconte Jean. Il y a donc énormément de choses qui sont suggérées par la musique, par le son. La musique est comme un personnage." Une collaboration particulièrement jouissive pour le compositeur, qui s’enthousiasme: "Pour moi, ce spectacle, c’est énormément de liberté. La façon qu’a Eric de casser le moule pose des défis. Au départ, je cherchais à donner du sens, à m’agripper à une histoire. Et puis je me suis laissé pleinement aller aux émotions."
"C’est une expérience auditive très particulière pour du théâtre", précise Jean. Letellier renchérit: "Le volume est digne d’un spectacle de rock! Nous avons mis des boîtes de son partout dans la salle afin que les gens soient complètement enveloppés. Il y a un gros travail de captation des voix en direct. La musique, fragmentée pour pouvoir sortir d’un peu partout, crée un écosystème sonore que le traitement des voix vient nourrir." Apparemment, il y aura même quelques chansons et les comédiens n’hésiteront pas à se saisir d’une guitare ou d’un clavier.
Et que l’on ne s’attende pas à se retrouver dans une chambre. Selon Eric Jean, le titre du spectacle fait plutôt référence à des espaces intérieurs. "Ça ne se passe pas dans un lieu réaliste mais dans une installation telle qu’on pourrait en trouver dans un musée d’art contemporain. C’est un espace dans lequel il y a beaucoup de reflets, qui se transforme énormément par la lumière. On est dans une zone d’inconscient plus que de conscient."