Ni noir ni blanc : Humains après tout
Scène

Ni noir ni blanc : Humains après tout

Ni noir ni blanc porte la parole de communautés religieuses, recueillie par le Théâtre des petites lanternes. Un pari risqué en cette époque d’athéisme.

Saillie surannée de voiles blancs à Léonard-Saint-Laurent. Cinq Petites Soeurs de la Sainte-Famille venues assister à Ni noir ni blanc: leurs choix, leurs accomplissements et leurs renoncements tels que vus par le Théâtre des petites lanternes.

Premier constat: les créatrices avaient bien décrit leur pièce lorsqu’elles nous avaient parlé d’une "chronique" de la vie au sein des communautés religieuses des années 40 à aujourd’hui. En bons instituteurs, les quatre personnages récapitulent donc d’entrée de jeu l’histoire de la chrétienté – croisades, jansénisme, etc. -, séance de mise à niveau préalable et obligatoire. Un excès de didactisme qui viendra trop souvent appesantir et ralentir le récit.

S’EN REMETTRE À LUI

À l’union et à la nombreuse descendance que lui propose un soupirant bien en chair (Nathaniel Allaire Sévigny), Nora (Mélissa Dion Des Landes) préfère le Verbe fait chair et le juvénat, marche dans les pas de son frère Paul (Martin Gougeon), lui-même religieux. Une vie d’ascèse et d’austérité qui s’accorde mal avec la fièvre et la pétulance de la jeunesse. Les scènes où Nora et son amie Jeanne (Christine Pinard) s’accrochent à leurs derniers moments de liberté avant de remettre leur vie à Dieu montrent bien comment la foi de ces femmes n’était pas une myopie devant les plaisirs sensuels.

Signée Pascale Tremblay, la mise en scène fait mouche lorsqu’elle se satisfait d’évoquer. La colère de Paul confronté aux astreintes de l’obéissance est ainsi habilement appuyée par de brusques mouvements d’éléments de décor (que les comédiens déplacent eux-mêmes). En livrant un des plus justes monologues du texte d’Angèle Séguin, Martin Gougeon donne la pleine mesure du déchirement d’un homme accablé de tentations charnelles devant constamment être réprimées.

Certains partis pris réalistes provoquent en revanche malaise et confusion. Le vieillissement des personnages, souligné à gros traits, pourrait être suggéré avec plus de finesse, du moins sans que l’on affuble les comédiens de perruques poivre et sel et de fausses rides au visage. Le recours à des figurants muets lors de certaines scènes n’arrive pas par ailleurs à rendre l’impression de foule ou de cohue recherchée.

NOUVEAU TESTAMENT

Certains observateurs pourraient reprocher à Angèle Séguin d’avoir réglé à la va-vite la question du rôle du clergé dans de grands scandales (comme celui des orphelins de Duplessis). D’avoir dépeint le schisme au sein même des communautés religieuses – entre les repentants et les intransigeants – plutôt que de jeter la pierre nous apparaît non seulement défendable, mais dramaturgiquement plus pertinent.

À l’instar de cette spectatrice qui, après avoir applaudi les comédiens, s’est retournée vers nos cinq soeurs pour les remercier, saluons le travail de ces femmes et de ces hommes ayant voulu incarner le meilleur des valeurs catholiques: la compassion, la charité, l’abnégation.