Sous l’oreiller : Le somnambule imaginaire
Sous l’oreiller, Patrick Quintal rêve et nous transporte dans un nouvel univers de possibles. Dans ce laboratoire, on ne porte pas de sarrau blanc, mais un pyjama.
Sous l’oreiller, c’est le résultat d’une exploration nocturne, une intrigante fabulation de somnambule. Il s’agit aussi de la troisième occasion pour Patrick Quintal de se retrouver seul sur scène lors d’une production du Double Signe, compagnie théâtrale sherbrookoise dont il est le directeur artistique. En 1997, il y eut Le Horla, de Guy de Maupassant, et en 1990, 100 % humain, un autre solo de Quintal. "C’est intéressant pour moi de replonger, de m’investir à nouveau en tant qu’acteur et auteur dans un projet", confie-t-il.
Présenté comme un laboratoire, Sous l’oreiller s’inscrit tout de même dans la lignée des plus récentes créations du Double Signe, malgré sa facture différente. "Ça demeure un produit fini même si on se laisse la place pour changer des choses en cours de route. Une création, ça a une vie, ça se transforme. Le théâtre est un art vivant." Tout de même, l’expérimentation s’applique davantage au processus de création qu’au spectacle qui sera présenté devant public.
Au dire de Quintal, le labo du Double Signe risque d’être fort occupé dans les prochaines années… "On en fera de façon plus régulière", échappe-t-il. C’est dire à quel point l’équipe est enthousiaste devant ce Sous l’oreiller. Voyons ce qu’il y a là-dessous…
LA GENÈSE
Les grandes découvertes se font souvent par accident. Or, Sous l’oreiller ressemble à un accident de parcours car initialement, ça ne devait pas devenir une création théâtrale. "Je m’amusais dans mon coin à écrire de courts textes, juste avant de m’endormir. La nuit, c’est un laboratoire en soi. D’ailleurs, il y a une phrase de Victor Hugo que je trouve fantastique: "Le rêve, c’est l’aquarium de la nuit.""
Sommeil aidant, l’écriture de Quintal se voit sublimée d’une bien étrange façon. "Dans mes textes, les éléments du quotidien se transforment." Par exemple, la chambre devient poulailler, Patrick devient coq et l’oreiller expulse des plumes à chaque expiration… "Ça donne des choses comme: Battre les oeufs en neige, puis attendre que la souffleuse passe." Même somnolent, l’auteur ne perd pas son humour! "Ce n’était pas une écriture automatique, mais les images pouvaient déraper. Ça devenait une correspondance dans une forme d’onirisme." Correspondance avec son subconscient? "J’imagine…"
Plusieurs textes prennent forme par cet exercice pré-dodo. "En les relisant, en travaillant dessus, je me suis dit qu’il y aurait quelque chose d’intéressant à faire avec de la musique." Jacques Jobin, un fidèle collaborateur du Double Signe, s’est donc joint à Patrick pour la création de tableaux sonores. Chaque texte s’est vu habillé de sons. "On a parfois laissé presque toute la place à la musique. Celle de Jacques appelle directement à l’émotion. Il a la sensibilité de trouver un filon à partir de l’univers qu’on veut proposer."
Lors d’une lecture publique, Patrick s’est permis de donner vie à quelques-uns de ces tableaux. "J’ai vu que les gens réagissaient chaleureusement; ils avaient le sourire aux lèvres." C’est à partir de là que l’idée de transposer ce projet pour la scène a commencé à germer.
LES JOYEUX EXPLORATEURS
Preuve de la collégialité qui règne au sein du Double Signe, Sous l’oreiller s’est fait avec un esprit artisanal. Seule une "équipe d’explorateurs" s’est jointe au duo initial. "Lilie [Bergeron] a suivi pas mal tout le parcours, mais il n’y a pas vraiment de metteur en scène, explique Quintal. Jacques et moi, on faisait déjà pas mal de choix par les ambiances sonores. Ça donnait une direction. On s’est dotés d’une seule règle d’unité: un texte, une musique, une action, une lumière." Le débroussaillage s’est effectué tout simplement, au fil de collaborations naturelles. "Pascale [Tremblay] est venue quelques fois, tout comme Laurent Bolduc-Laventure et Michel Charbonneau. Il y a aussi eu des sessions de travail avec Catherine Archambault, pour le mouvement."
L’ordre des tableaux s’est établi grâce aux thèmes des textes qui se jumelaient bien. "Des fois, c’est le sonore ou les éléments scéniques qui font le lien." Tous les courts textes forment un tout également grâce à cet univers d’enfant qui ressurgit et que l’adulte retrouve. "On rit beaucoup dans ce spectacle, mais c’est quelque chose de poétique qui va aller chercher le public, et à un niveau pas nécessairement intellectuel. Il y a une émotion qui se communique, pas un message."
À fouiller de la sorte dans le puits du sommeil, est-ce que Patrick Quintal livre son show le plus intime? "Pas nécessairement… mais on me voit dans mon monde imaginaire. Et le rêve, c’est un univers bien personnel."