L'Illusion comique : Jouer la comédie
Scène

L’Illusion comique : Jouer la comédie

Pour sa mise en scène de L’Illusion comique, "oeuvre de jeunesse" de Corneille, Dominique Lafon mise sur la fougue et la flamme de jeunes comédiens.

Ils n’ont pas encore 30 ans. Ils réchauffent encore ou quittent à peine leurs bancs d’école de théâtre. Ils endossent cette jeunesse folle et passionnelle dans L’Illusion comique de Corneille, une mise en scène de Dominique Lafon au Théâtre la Catapulte. Une table, quatre chaises placées à l’avant-scène d’un décor aux allures grecques pour causer du spectacle, de la "troupe", de leur rapport aux textes classiques et de théâtre, tout simplement.

Au fil de la conversation, une récurrence: les comédiens Pierre Antoine Lafon Simard, Marc-André Boyer, Larissa Corriveau et Frédérique Thérien se sentent bénis des dieux de prendre part à cette production d’un texte classique. "Il y a certes un tabou par rapport au théâtre classique, particulièrement au Canada où on a voulu se dissocier des pratiques françaises et européennes pour créer notre propre dramaturgie, reléguant les classiques aux théâtres institutionnels. Et là, c’est intéressant de voir que ce sont des jeunes comme nous qui prennent la parole avec un texte sur les comédiens, sur les jeunes troupes. Je comprends la valeur d’un théâtre naturaliste, mais aujourd’hui il y a quelque chose des fondements du théâtre qui revient ici: le grandiose, le spectaculaire, le plus grand que nature", constate Pierre Antoine, qui campe le rôle du magicien Alcandre, par qui l’action démarre au début de la pièce, alors qu’il reçoit la visite de Pridamant, venu quérir des nouvelles sur son fils Clindor. Le devin présentera alors ses songes, transformant sa grotte mystérieuse en un théâtre où Clindor revêt le costume du servant de l’impétueux capitaine Matamore, devant jongler avec des affaires de coeur, de rivalité et de jalousie.

Pour se mettre en bouche les alexandrins du texte, les comédiens ont étiré les heures à la table de travail. Mais la magie de l’illusion théâtrale réside ailleurs, défendent-ils. "Aller chercher l’intelligence du texte nous a révélé sa résonnance contemporaine. La pièce demande un jeu d’une grandeur et d’une exaltation que le théâtre naturaliste n’impose pas. Or, il ne faut pas jouer le mythe du personnage, mais bien l’être humain qui, au fond, ressent des émotions fort simples", explique Larissa, l’Isabelle dont est épris Clindor.

"Ce qui ressort surtout, ce sont les relations humaines", d’ajouter Marc-André, qui campe Clindor. "Le focus principal a été mis sur les acteurs, le jeu. Nous avons d’abord misé sur le rapport entre nous."

En plus de réussir cette filiation au sein de son équipe, Dominique Lafon a transmis son amour du répertoire classique. "Au-delà des histoires d’amour et de rivalité, la pièce se porte à la défense du théâtre comme un art noble qui mérite le respect, l’admiration. Et nous, ça nous enflamme de dire: "Je porte ce texte classique, je porte Corneille, cette parole me touche et je veux aussi défendre mon métier devant autrui"", illustre Pierre Antoine, qui défend aussi le rôle de Matamore.

Pour personnifier le père qui subit la révolte de son fils, la metteure en scène a fait appel à un monument de la région: Gilles Provost. Un véritable cadeau, spécialement pour la jeune Frédérique, qui joue son premier rôle professionnel (Lyse, la servante d’Isabelle) et qui a fait ses débuts auprès du comédien aguerri. "Je suis la personne avec le moins d’expérience dans la production, alors j’ai mes yeux d’observatrice en tout temps. Il m’a beaucoup appris et il m’apprend encore. Je me sens très privilégiée", atteste-t-elle. "Gilles Provost, c’est le plus jeune d’entre nous! de rajouter Pierre Antoine. Une farce n’attend pas l’autre, c’est un coquin qui a plus d’énergie que moi!"

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