Chambre(s) : Déclarations d’amour
Avec Chambre(s), Eric Jean livre l’une de ses réalisations les plus maîtrisées et les plus personnelles, un objet d’une rare authenticité, quelque chose comme un credo.
Cette fois, le créateur de Corps étrangers et Chasseurs s’est surpassé. Conjugaison de mythologies, celles d’un metteur en scène au coeur de sa pratique et d’une troupe de comédiens aussi charismatiques qu’intrépides, Chambre(s) est un rendez-vous exceptionnel au carrefour du théâtre, de la musique, de la danse et du cinéma, un déploiement d’appétits qui ne laissera personne indifférent.
Dans la réalisation du metteur en scène Eric Jean et de l’auteur Pascal Chevarie, il y a de la poésie, des confidences, tragiques et comiques, graves et futiles, de sublimes déclarations d’amour et de désir. Partout entre les hommes et les femmes, le désir circule, librement, souverainement, superbement. Il y a aussi la vérité et le mensonge, entrelacés. C’est que la représentation puise à même le vécu des comédiens. Ici, pas de personnages et pas de récit fédérateur, juste un enthousiasmant bris des conventions, un jeu exaltant sur l’identité. Évelyne Brochu, Maxime David, Sébastien David, Sylvie Drapeau, Matthieu Girard, Alexandre Landry et Sacha Samar sont là pour livrer des fragments de leurs histoires personnelles, une intimité qui n’a rien d’indécent ou de complaisant, des détresses et des extases qui font étrangement écho aux nôtres.
Il faut être honnête et dire que le spectacle est, en bonne partie, un vibrant hommage aux comédiens, au théâtre et à la création, des sujets auxquels l’auteur de ces lignes est particulièrement sensible, vous l’aurez compris. Ce n’est pas d’hier que Jean cherche une forme nouvelle, une fusion des genres, un renouvellement des méthodes, mais cette fois il arrive à explorer tout en dévoilant les rouages de sa quête, à parler du théâtre dans le théâtre, à dire, en somme, la nécessité de repousser les limites de son art, ne serait-ce que pour donner du sens à sa propre vie.
Dans la "chambre" au design épuré qu’a imaginée Pierre-Étienne Locas, les lumières de Martin Sirois apportent de la chaleur et du mystère, les musiques de Vincent Letellier, des vibrations irrésistibles, de l’émotion vive. Une transformation semblable se produit dans les costumes de Cynthia St-Gelais, d’abord très stricts, "couture", puis laissant de plus en plus voir les corps et les personnalités contrastées des comédiens. La distribution, des talents confirmés aux nouveaux venus, est le coeur battant de cette production, on ne voudrait plus les quitter.