Daniel Soulières : Un pour tous…
Scène

Daniel Soulières : Un pour tous…

La compagnie Danse-Cité est à l’honneur en ce début décembre avec la sortie du livre Traces contemporaines et la reprise de l’excellente Corps intérieur de David Pressault. Rencontre avec son directeur artistique et général, Daniel Soulières.

Fondée en 1982 par le chorégraphe et interprète Daniel Soulières, Danse-Cité est une compagnie atypique dans le paysage de la danse contemporaine. Dépourvue de danseurs ou de chorégraphe attitrés, elle produit les créations originales d’artistes indépendants généralement émergents. Au fil des ans, elle a ainsi soutenu le déploiement de chorégraphes comme Sylvain Émard, Louise Bédard, Danièle Desnoyers, José Navas, Emmanuel Jouthe ou encore David Pressault, qui signait avec elle sa quatrième collaboration pour la création de Corps intérieur. De plus, la compagnie se distingue par des créations mettant en vedette un interprète chargé de bâtir une soirée avec les créateurs de son choix et par des oeuvres dirigées par des artistes autres que des chorégraphes.

"Au début, je dansais dans tous les projets, je participais parfois comme chorégraphe, et les médias ne parlaient jamais de moi quand j’étais simplement danseur, raconte Soulières. Le volet Traces-interprètes a mis les interprètes sur la "map" et il permet de les responsabiliser parce qu’ils ont des décisions à prendre. Les Traces-hors-sentiers ont aussi été créées pour stimuler les interprètes avec des projets atypiques." Parmi les productions récentes, la visibilité donnée à la danseuse Naomi Stikeman pour Çaturn et les défis offerts par la compositrice et musicienne Charmaine Leblanc aux danseurs de Quarantaine 4X4 sont des exemples de l’efficacité de ces concepts.

Mais Danse-Cité, c’est bien plus que cela. C’est toute l’histoire racontée par la voix de Soulières et par la plume de l’artiste et critique Katya Montaignac dans le livre Traces contemporaines, Danse-Cité, publié aux éditions Les heures bleues. Le premier évoque son parcours et ses souvenirs, la seconde opère une rétrospective analytique des créations de la compagnie. "Quand j’ai voulu parler de la fondation de la structure, je me suis rendu compte qu’elle s’inscrivait dans la continuité de mes activités dans la décennie précédente et de mon travail avec les signataires de Refus global, note Soulières. Je devais donc remonter aux années 40 pour en parler. C’est important que le fil ne se perde pas. Et si personne ne l’écrit, la jeune génération ne le saura pas, et on va sans arrêt réinventer la roue."

Destiné à un public d’amateurs plutôt avertis, ce livre de quelque 130 pages est émaillé de photos qui témoignent de la richesse du parcours de cet artiste et de la créativité québécoise. Il est aussi agrémenté des textes des sociologues Clara Khudaverdian et Jean-François Côté qui tentent parfois maladroitement de mettre en perspective la danse contemporaine et la démarche originale de Danse-Cité, créant une regrettable rupture avec le ton installé au début de l’ouvrage. Créé pour marquer les 25 ans de la compagnie, ce beau livre a l’avantage d’ouvrir une fenêtre sur le patrimoine québécois de la danse dont il n’existe encore que peu de traces. Incidemment, une magnifique occasion nous est donnée de voir Soulières danser dans Corps intérieur, une mystérieuse installation qui bouscule les paramètres habituels de la représentation.