José Navas : L'art de séduire
Scène

José Navas : L’art de séduire

José Navas investit le Théâtre Centennial avec le solo Villanelle suivi de la pièce de groupe S. OEuvre pour huit interprètes dansée sur la musique de Satie, cette dernière a déjà fait ses preuves en Europe.

Depuis cinq ans, José Navas n’a d’intérêt que pour les lignes pures d’une danse aussi formelle qu’abstraite. Il est revenu aux bases de la gestuelle postmoderne acquise pendant sa formation à New York et n’use plus du mouvement que pour construire des architectures chorégraphiques qui s’imbriquent les unes dans les autres.

"S est un peu comme un grand édifice que l’on peut observer dans ses moindres détails, dit-il en guise d’explication. On commence par voir la façade, on ouvre une porte et on découvre qu’il est construit avec des lignes, des angles, des mouvements dans l’espace, et que tout cela combiné avec les éclairages et la musique fait ressentir quelque chose." Pas d’argument, pas de message, pas de scénographie et pas de costumes extravagants. C’est de mouvement qu’on traite et il n’y a rien d’autre à voir. Pour le spectateur qui accroche, l’expérience devient vite fascinante et le voyage est garanti dans une bulle en suspension dans l’espace-temps. En revanche, l’ennui menace quiconque résiste au pouvoir hypnotique de ce genre de travail.

Comment faire pour éviter le décrochage? En choisissant la voie de l’abstraction, Navas a dû s’interroger sur l’accessibilité de ses oeuvres. Et c’est dans la structure qu’il a trouvé réponse. "Dans la première version de S, à Bruges, je présentais un édifice croche qui avait une logique pour moi mais qui restait un peu impénétrable pour le public, concède-t-il. J’ai révisé la pièce et même si l’édifice reste croche parce que c’est ma proposition, il a une porte d’entrée. Balanchine disait toujours: "Il faut au moins être sûr d’utiliser de la belle musique (il éclate de rire) parce qu’au moins les gens ont une porte pour entrer." Moi, je me sers de la symétrie et de l’unisson, qui plaisent beaucoup au cerveau, pour prendre la main du spectateur."

DE SILENCE ET DE SATIE

Comme la grande majorité des oeuvres de Navas, S a été créée en silence. Deux fois par semaine, les danseurs la répètent d’ailleurs en silence pour lui garder un rythme et une logique totalement autonomes par rapport à la musique d’Erik Satie.

Le choix de Satie n’a rien de hasardeux ou d’innocent. La structure des morceaux bâtis autour d’une phrase-thème renvoie à une méthode de création chère à Navas et les silences qui s’étirent dans ces compositions laissent aux corps tout le loisir de se déployer dans l’espace pour mieux y résonner. "La première fois que j’ai écouté Satie, j’ai trouvé la musique tellement spacieuse que je pouvais la voir, commente-t-il. Elle prédispose le spectateur à regarder et à sentir le mouvement. Lui-même dit que les Gnossiennes et les Gymnopédies sont comme des tapisseries et qu’il faut les jouer en musique d’ambiance. Et puis, c’est une excellente transition entre les créations musicales auxquelles j’étais habitué et la musique classique sur laquelle je veux travailler pour mes prochaines oeuvres."