Philippe Ducros : Prise de parole
Scène

Philippe Ducros : Prise de parole

Quelques semaines après sa création en France, l’auteur Philippe Ducros met lui-même en scène son texte L’Affiche, produit de plusieurs voyages en Palestine, où il a pu observer les effets ravageurs de l’occupation.

"Je n’ai pas écrit un manifeste mais une oeuvre d’art, explique Philippe Ducros. Je voulais montrer ce que l’occupation a comme impact dans la vie des gens, et cela, aussi bien du côté israélien que palestinien. En tant qu’artiste, on ne traite pas ces sujets de la même manière qu’un journaliste, un historien ou un activiste. Moi, j’aborde les émotions. Je suis là pour comprendre ce que les événements produisent sur les êtres humains."

C’est en effet avec beaucoup d’humanité que le texte de Ducros, d’une écriture sans complaisance et pleine de poésie, présente les drames qui se jouent des deux côtés de ce mur de huit mètres de haut construit par Israël et qui, selon l’auteur, est en lui-même d’une violence inouïe. Nous découvrons ainsi la famille de Salem, un jeune homme qui vient de mourir, dont le père imprimeur se retrouve à placarder le visage sur tous les murs, comme il le fait pour toutes les victimes de l’occupation. Il y a aussi Itzhak, le militaire israélien qui a tiré sur Salem, et son épouse Sarah; Ismaïl qui veut partir étudier à l’étranger; et puis un rabbin, un barbier, un médecin et un journaliste québécois, entre autres. Pour incarner tous ces personnages, Ducros a fait appel à François Bernier, Sylvie De Morais, Denis Gravereaux, Justin Laramée, Michel Mongeau, Marie-Laurence Moreau, Étienne Pilon, Dominique Quesnel et Isabelle Vincent.

Plus l’artiste parle, plus il est évident que ce spectacle revêt pour lui une importance particulière: "Je suis revenu traumatisé de ces voyages, j’en ai perdu le sommeil. J’ai recommencé à mieux dormir quand j’ai entrepris de prendre la parole en public. Les gens m’ont confié leur histoire, leur intimité, comme des secrets, des murmures, et moi je me sens responsable d’eux." Fidèle à sa réputation de grand voyageur, il ajoute: "C’est aussi beaucoup de moi que je parle dans ce spectacle. Je pense que l’autre n’est pas géographique mais idéologique. Ce que je montre, c’est le monde, c’est nous."

Au-delà de son spectacle, l’artiste protéiforme entend bien susciter une véritable réflexion sur un sujet trop peu abordé. "Je pense que la chose la plus provocante au théâtre, c’est le propos. Je sais que mon texte provoque, car il parle de l’un des derniers sujets tabous. Mais mon intention est plutôt de réalimenter la réflexion, d’ouvrir le dialogue, et ce, dans toutes les sphères d’opinion."

Dans cette optique, plusieurs activités seront organisées en marge de la pièce. Outre l’habituelle soirée-rencontre d’Espace Libre (le 10 décembre), on pourra assister à une exposition de photos que Ducros a d’ailleurs intégrées à sa mise en scène (du 1er au 19 décembre), une table ronde (le 4 décembre de 17 h à 18 h 30) et une lecture de son carnet de voyage Les Lanceurs de pierres (le 9 décembre à 17 h). "J’encourage les gens à venir voir l’exposition, insiste Ducros, car des textes issus de mes notes prises sur le terrain accompagnent les photos. Avec ces explications, les spectateurs auront plus accès à l’humanité des personnages."