4 fois Mélanie 1/2 : Grossière indécence
Scène

4 fois Mélanie 1/2 : Grossière indécence

Quatre Mélanie de Gatineau, quatre histoires rocambolesques et quatre occasions de manier et célébrer la langue orale, voilà le cadeau que s’offrent Justin Laramée et le Théâtre Qui va là avec 4 fois Mélanie 1/2.

Il a l’habitude du monologue, ce Justin Laramée. L’influence du conte urbain y est sûrement pour quelque chose (il s’y frotte d’ailleurs encore cette année – voir la critique des Contes urbains 2009 dans ce numéro), comme l’appartenance à une certaine filiation dramaturgique québécoise, ce théâtre de la confession qui monopolise encore très souvent nos scènes.

Les ingrédients de 4 fois Mélanie 1/2, très efficaces, sont classiques. Un personnage de femme, généralement une femme forte à la personnalité débordante ou à l’aplomb fulgurant, entre en scène et prend littéralement le plancher pour raconter une histoire rocambolesque, dont l’issue est tragique malgré le ton léger ou humoristique. Selon les cas, la porte est ouverte à l’imaginaire débridé, aux souvenirs d’enfance, aux péripéties urbaines, aux pires indécences, à la vulgarité libératrice et aux autres composantes des identités postmodernes.

La plupart du temps, ça donne un résultat savoureux pour l’oreille et ça propose une vision éloquente de la manière dont l’être humain contemporain se plaît à se représenter. Dans le meilleur des cas, ça oriente le regard vers la médiocrité ou les absurdités de l’existence, rappelant au passage comment la tragédie peut vite rattraper le quotidien. Ce qui remet les idées en place. Laramée, il faut le dire, maîtrise assez bien la formule.

Ses quatre Mélanie nous entraînent d’abord dans une chasse à l’orignal en famille, puis au merdique lendemain d’un party de bureau, ensuite dans une maison dont les lumières "flashent" par un soir d’orage, pour finir dans les toilettes souillées d’une école primaire. Inutile d’en révéler plus car ce genre d’histoire fonctionne aussi selon le principe du suspense et de la surprise.

Quoi qu’il en soit, même s’il tombe parfois dans la facilité, la scatologie primaire et le déjà-vu-mille-fois, Laramée a le sens du récit, beaucoup de rythme et la capacité de faire vivre une langue fortement imagée, très québécoise mais indéniablement plus grande que nature. Une langue qui réinvente le quotidien en prenant des détours inattendus, revêtant parfois des formes bâtardes ou grossières. Il dirige ses actrices, les excellentes Delphine Bienvenu, Julie Carrier-Prévost, Sandrine Cloutier et Léa Simard, avec doigté.