Terrorisme : Réaction en chaîne
Scène

Terrorisme : Réaction en chaîne

Le metteur en scène belge Olivier Coyette offre une relecture tonique mais décalée du Terrorisme des frères Presnyakov.

Afin de célébrer les dix ans du Théâtre du Grand Jour, Sylvain Bélanger a opté pour une coproduction avec le Théâtre de Poche, une compagnie de Bruxelles qui, comme la sienne, combine théâtre, politique, société et actualité. Pour servir Terrorisme, une pièce russe qu’il qualifie à juste titre d’impitoyable, le directeur artistique a choisi de faire appel aux énergies créatrices de douze Québécois, cinq Belges et un Français, des créateurs indubitablement talentueux. Malheureusement, la mise en scène d’Oliver Coyette, si elle est dynamique et cohérente, paraît jusqu’à la toute fin plaquée sur le texte. Si bien que l’oeuvre des frères Presnyakov ne suscite plus, comme elle le devrait, l’angoisse et le trouble.

Le texte évoque le principe de la réaction en chaîne, démontre l’impact que peut avoir le moindre de nos gestes sur la vie de nos semblables. Suite de courtes pièces entrelaçant les destins, Terrorisme donne à voir et à entendre, avec beaucoup de finesse, la terreur qui teinte nos rapports quotidiens. Le portrait est si percutant qu’on se demande franchement pourquoi la pièce, qui a été offerte aux quatre coins du globe depuis sa création en 2002, n’a pas été montée chez nous plus tôt. Sans tomber dans la plate reproduction du réel, les frères Presnyakov identifient les multiples violences que l’on fait subir à l’autre, que ce soit au bureau, dans un aéroport ou dans une chambre à coucher. À ce jeu de massacre entre bourreaux et victimes, les comédiens Fabien Cloutier, Christian Crahay, Sharon Ibgui, Jacques Laroche, Monique Miller, Mani Soleymanlou, Nicole Valberg et Benoit Van Dorslaer se donnent tout entiers.

On serait presque tenté de qualifier ce théâtre de choral, comme on le dirait d’un film. Le genre implique une certaine gymnastique, un rythme que Coyette obtient sans peine. Sa mise en scène, dévoilant de plusieurs façons les conventions du théâtre, croise les destins avec souplesse. En ce sens, le préambule est un vrai bijou. Là ou le bât blesse, c’est dans le registre de jeu. Les acteurs donnent dans la caricature, puisent souvent au grotesque, voire au clownesque; des excès qui empêchent le spectateur d’être concerné par la détresse et l’ignominie des personnages, des hommes et des femmes qui, pourtant, lui ressemblent beaucoup. Pour que cette production prenne son envol, il reste à accorder une plus grande confiance à la partition, à trouver un juste équilibre entre le naturalisme et l’outrance.