Kasyan Ryvkin : Noël russe
Kasyan Ryvkin et les cinq autres clowns du Teatr Licedei forment l’improbable famille qui animera les fêtes à la Tohu avec le spectacle Semianyki.
Une mère hyperactive qui tente de séduire tout le monde malgré son épuisement total et le cinquième enfant qui alourdit son ventre. Un père cocu, chômeur et alcoolique, cible privilégiée de quatre rejetons tortionnaires qu’il abandonne régulièrement pour échapper à l’enfer familial. Un fils, sublime musicien et mathématicien fou, armé jusqu’aux dents et toujours prêt à fomenter un mauvais coup. Une aînée passionnée de géographie qui cache sa perversion sous de fausses allures de petite fille sage. Une cadette qui ne fait jamais rien comme les autres et un bébé tellement insupportable que les autres cherchent à s’en débarrasser par n’importe quel moyen. Tel est le portrait de la famille, à la fois comique et grinçant, que brosse le Teatr Licedei dans Semianyki, qui signifie "famille" en russe.
"Nous sortons tous de la même promotion de la Faculté de l’Institut de théâtre de Saint-Pétersbourg et nous avons créé la première version de ce spectacle pour notre diplôme de fin d’études, raconte Kasyan Ryvkin, qui tient le rôle du fils. Nous avons l’habitude de nous réunir une fois par semaine pour présenter, chacun son tour, ce que nous avons trouvé de nouveau. Ça peut être un maquillage ou carrément un numéro complet. On invite aussi des amis et des membres de nos familles pour tester ce qui marche et ce qu’il faut retravailler. C’est ainsi que nous avons conçu Semianyki."
Créé avec la collaboration du metteur en scène Ioury Iadrovskij, ce spectacle sans paroles ne cesse d’évoluer depuis 2006, au fil de tournées en Europe et plus particulièrement en France où une structure a pris en charge la diffusion internationale. "Nous appelons la France notre deuxième maison, explique Alexandre Gusarov, le père, dans une entrevue donnée en 2007. On n’aurait jamais l’occasion de jouer autant de représentations en Russie. Le système théâtral est très différent. Il n’y a pas de tournées: les villes sont très éloignées les unes des autres et il y a moins de moyens."
Partout où il passe, le spectacle trouve un écho dans le public qui y reconnaît des archétypes à l’oeuvre dans la plupart des familles. Plus proche du théâtre comique que du cirque, il établit de façon récurrente un rapport direct avec le public qui subit, lui aussi, de manière individuelle ou collective, les maltraitances en pratique dans cette famille dysfonctionnelle. Ponctuellement relayé par l’émotion, le comique s’ancre principalement dans la caricature, le foisonnement d’objets détournés de leur fonction première et la sonorisation en direct qui souligne à grands traits la dimension humoristique de certaines situations. La musique tient également une place prépondérante avec des mélodies de tous genres et de toutes époques qui viennent soutenir l’action.
En période de Noël où les rassemblements familiaux ne sont pas forcément des plus réjouissants ni des plus harmonieux, ce spectacle peut s’avérer un exutoire salutaire. Parallèlement, la Tohu expose une cinquantaine d’affiches russes et soviétiques créées entre la fin du 19e siècle et aujourd’hui. Une première en Amérique du Nord. Sélectionnées par le commissaire Pascal Jacob – qui nous a gratifiés cet été du fabuleux programme du Festival mondial du cirque de demain -, elles témoignent de la spécificité et de l’évolution de la culture graphique dans une région du monde où les manières de faire et de penser sont très différentes des nôtres. Une magnifique occasion de mettre en perspective le spectacle présenté.