Anne-Marie Olivier : Théâtre
Comédienne au large registre, aussi à l’aise chez Tchekhov que chez Ronfard ou Mouawad, auteure de textes où se côtoient émerveillement quotidien et banalités déchirantes, Anne-Marie Olivier étonne toujours. Créatrice sensible au regard aiguisé et à l’imagination singulière, elle nous livre ses réflexions sur le théâtre à Québec.
Québec demeure une ville de théâtre incontestablement foisonnante avec un public de plus en plus curieux et passionné. On voit émerger avec bonheur de plus en plus de créateurs porteurs d’une signature aussi unique qu’essentielle. Les contenus sont pertinents, les formes modernes ou traditionnelles. Dans cette enclave où il est facile de voir tous les spectacles, il est bon de sentir un dialogue entre des instances comme le Carrefour, le Trident, la Bordée, le Périscope, Premier Acte, Les Gros Becs et Ex Machina.
Donc, on trouve de tout pour tous, soit. Tout baigne dans la capitale du strapontin? Oui et non.
L’écologie de ce milieu reste fragile et nous devons redoubler de vigilance et d’ardeur pour nous ouvrir sur le monde. Il est vital de soutenir l’exportation de nos succès vers la métropole, en région et à l’étranger. On doit oser créer nos spectacles en éclatant nos façons de travailler, en innovant davantage, en continuant à programmer des textes qui portent un écho retentissant dans notre monde moderne; toujours se dépasser sur le plan artistique et diffuser davantage nos créations. Sinon, la sclérose nous guette.
Certes, on a de quoi se réjouir avec un maire porté sur la culture qui démocratise de grandes oeuvres et qui prend la culture pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un véritable moteur économique. Le mariage est particulièrement heureux quand il s’allie avec des créateurs d’ici à la base de ces projets. Et c’est dans ce sens qu’il faut aller.
Il m’est impossible de parler de la dernière décennie en théâtre sans parler d’exode, sujet malheureusement toujours d’actualité. Des structures extraordinaires ont été mises en place pour soutenir la relève. Formidable! Mais il faut avouer que pour les créateurs intermédiaires, il y a une poche d’air. Que faut-il faire pour garder ici ces créateurs en milieu de carrière qui portent dans leur ventre la création de plus d’un spectacle par année? Faut-il inaugurer un nouveau lieu de diffusion? Ajouter une nouvelle direction artistique pour dialoguer avec les autres?
Même s’il est réjouissant de constater que nous sommes une ville de théâtre exceptionnelle, le défi est de forger la ville de théâtre où nous vivrons dans 10 ans. On s’en reparle en 2020, si j’y suis encore. J’aimerais bien que mes amis qui lorgnent du côté de l’autoroute 20 soient aussi avec moi pour en témoigner.
– Anne-Marie Olivier