Revue 2009 / Théâtre : De toutes pièces
Scène

Revue 2009 / Théâtre : De toutes pièces

En théâtre, dans la métropole, l’année 2009 a été faite de béton et de festivals, de lauriers et de reconnaissances, de relectures nécessaires et de créations indispensables. En voici un aperçu.

En 2009, le Théâtre de Quat’Sous a été superbement reconstruit et les rénovations du Théâtre Denise-Pelletier et de la Place des Arts, bel et bien enclenchées. D’autres chantiers viendront en 2010. En effet, La Licorne et Les Écuries ont reçu les sommes qui leur permettront d’être sérieusement modernisées. Le TNM et le Théâtre d’Aujourd’hui subiront quant à eux des travaux mineurs. Le béton se porte bien. Tant mieux. Mais n’oublions pas que l’essentiel est de fréquenter les salles, de communier le plus souvent possible avec les oeuvres des artistes de théâtre.

Parce qu’ils permettent de rompre avec le ronron de nos vies, les festivals sont primordiaux. Temps d’images, Les Trois Jours de Casteliers, Jamais Lu, Festival de théâtre anarchiste, TransAmériques, OFF.T.A., Fringe, Festival international de théâtre yiddish, Festival de théâtre de rue de Lachine, Festival Juste pour rire, Zoofest… les Montréalais sont servis. Cette année, il faut ajouter la 63e édition du Festival d’Avignon, où tant de nos plus grands créateurs, à commencer par Wajdi Mouawad, artiste associé, ont brillé de tous leurs feux. Mille et un frissons durant cette nuit où la langue québécoise a retenti pour la toute première fois dans la Cour d’honneur du Palais des papes.

Des couronnes

Parmi les récompenses attribuées cette année, mentionnons que Bob a reçu le Prix de la critique remis par l’Association québécoise des critiques de théâtre (AQCT) dans la catégorie Montréal, ainsi que le premier prix Michel-Tremblay du CEAD et du CALQ. Bravo à René-Daniel Dubois et René Richard Cyr! L’Académie française a remis son prestigieux Grand Prix du théâtre à Wajdi Mouawad, et Michaëlle Jean a fait du metteur en scène et auteur un officier de l’Ordre du Canada. La saison 2008-2009 de la Carte Premières a été superbement couronnée par le 1er Gala des Cochons d’Or. On attend la deuxième édition avec impatience! Grâce au Bruit des os qui craquent, un spectacle coproduit par Le Carrousel et le Théâtre d’Aujourd’hui, une foule de récompenses ont déferlé sur Suzanne Lebeau et Gervais Gaudreault, dont le Prix de la critique remis par l’AQCT dans la catégorie Jeunes publics et le Prix littéraire du Gouverneur général dans la catégorie Théâtre.

Créations québécoises

Qu’on ne dise pas que la création québécoise se porte mal. Au cours de la dernière année, les oeuvres les plus marquantes ont sans contredit comme point de départ un texte écrit ici et maintenant. Pour interroger nos habitudes, ébranler nos convictions, provoquer de profondes remises en question, nos auteurs sont encore les plus doués.

Les créations les plus mémorables: Anky ou la fuite, de Christian Lapointe, De l’impossible retour de Léontine en brassière, du Groupe de poésie moderne, Paradixxx, d’Olivier Choinière, Tentatives, de Jérémie Niel, Dans les charbons, de Loui Mauffette, Et je sais que cela doit être le paradis, de Marie-Eve Gagnon, Chroniques, d’Emmanuel Schwartz, Rouge Gueule, d’Étienne Lepage et Claude Poissant, L’Imposture, d’Evelyne de la Chenelière et Alice Ronfard, Chambre(s), d’Eric Jean, et L’Affiche, de Philippe Ducros.

Du côté du théâtre de marionnettes et d’objets, Félix Beaulieu-Duchesneau et Sandrine Cloutier, du Théâtre Qui va là, nous ont donné Le Nid, et David-Alexandre Després et Robert Drouin, sous la bannière du Théâtre en l’Air, Vroom!. Deux petites perles. Quant au théâtre de répertoire, on en retient La Charge de l’orignal épormyable de Lorraine Pintal et le Vie et Mort du roi boiteux de Frédéric Dubois.

Venus d’ailleurs

Parmi les relectures de textes étrangers, il y en a de fort concluantes, comme Le Grand Cahier par Catherine Vidal, Le Pillowman par Denis Bernard, Le Complexe de Thénardier par Denis Marleau, L’Effet des rayons gamma sur les vieux garçons par René Richard Cyr et Blackbird par Téo Spychalski. Au rayon répertoire, on retiendra le Woyzeck de Brigitte Haentjens. Parmi les spectacles venus d’ailleurs, il faut mentionner Molora, de la Sud-Africaine Yael Farber, Body Fragments, de l’Allemand Siegmar Schröder, Blackbird, de la Française Claudia Stavisky, No Way, Veronica, du Français Jean Boillot, Questo buio feroce, de l’Italien Pippo Delbono, The Sound of Silence, du Letton Alvis Hermanis, et L’Orgie de la tolérance, du Flamand Jan Fabre. De la très belle visite. Vous repassez quand vous voulez!

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TOP 5 THÉÂTRE /

1. Anky ou la fuite (Théâtre Péril)

Architecture textuelle vertigineuse, immobilité des interprètes, sonorités stridentes, lumières crépusculaires, codes de la représentation récusés. Impossible de résister au somptueux envoûtement signé Christian Lapointe.

2. Rouge Gueule (Théâtre PàP)

Remise en question de la notion de normalité signée Étienne Lepage. Avec ses chorégraphies frénétiques et ses horreurs dites à haute et intelligible voix, le spectacle de Claude Poissant était un extraordinaire exutoire.

3. Chambre(s) (Théâtre de Quat’Sous)

Ce n’est pas d’hier qu’Eric Jean cherche la fusion des genres, mais cette fois il arrive à explorer tout en dévoilant les rouages de sa quête, à dire, en somme, la nécessité de repousser les limites de son art. Pour notre plus grand bonheur.

4. Woyzeck (Sibyllines)

Impossible de ne pas se sentir concerné par le portrait signé par Brigitte Haentjens à partir du texte de Büchner, impossible de ne pas dialoguer avec une oeuvre dont les forces vives et les antagonismes sont si brillamment révélés.

5. Le Complexe de Thénardier (Ubu / Espace Go)

Du texte de José Pliya, Denis Marleau a fait une joute où chaque mot compte, où chaque souffle, chaque pause exprime tant de violence contenue, tant de tendresse inavouable. À cette partition, Christiane Pasquier se livrait tout entière.