Charles et Berthin : Brokeback Versailles
Scène

Charles et Berthin : Brokeback Versailles

Le Théâtre La Rubrique nous présentera à partir du 27 janvier sa nouvelle production, intitulée Charles et Berthin.

Dans une mise en scène de Benoît Lagrandeur, le Théâtre La Rubrique présentera Charles et Berthin, un texte signé par Stephan Cloutier. Récit d’un amour interdit, cette pièce a des airs de Brokeback Mountain à la sauce Louis XIV.

Présentant trois époques, cette oeuvre met l’accent sur deux personnages tout à fait différents que les sentiments uniront pourtant. D’un côté, Charles Varlet de la Grange, qui est joué par Christian Ouellet, et dans l’autre coin, Berthin Rabussin, qui est interprété par Guillaume Ouellet. Le premier tente de vivre selon les normes sociales tandis que le second fait tout en son possible pour étancher sa soif de liberté malgré tous les interdits. Christian Ouellet met en lumière ce qu’implique de dépasser les limites dans le contexte historique de l’oeuvre: "On ne peut pas faire ce que l’on veut à Versailles. On est comme dans une prison dorée. On est dans une vie organisée. De plus, on punit les homosexuels en les brûlant."

À ce sujet, Guillaume Ouellet nous parle de ce qui l’a attiré en tant que comédien dans Charles et Berthin: "C’est certain que le sujet est délicat, car ça concerne l’homosexualité dans le contexte du 17e siècle. Au-delà de tout ça, ça reste une histoire d’amour et c’est là-dedans qu’on s’est orientés. Moi, personnellement, c’est à l’intérieur du bagage amoureux et des ruptures que je suis allé chercher ce qu’il me fallait pour mon personnage. Même si je n’ai jamais vécu le contexte de l’amour homosexuel, j’ai l’impression que c’est la même chose. À la base, l’amour, c’est une question de rapport entre deux individus humains."

Insistant sur le fait que la pièce exploite de nombreux enjeux autres que l’amour entre personnes du même sexe, Christian Ouellet nous fait toutefois remarquer que les changements sociaux s’effectuent davantage en surface qu’en profondeur: "L’homosexualité, ça a toujours existé. C’est pas Michel Girouard qui a inventé ça. C’est sûr qu’à cette époque-là, il y avait beaucoup plus d’interdits, mais même encore aujourd’hui au Québec, on aime mettre les gens dans des cases."

Parmi les thématiques exploitées dans Charles et Berthin, celle du théâtre occupe une place privilégiée. Christian Ouellet nous explique: "C’est une pièce qui parle aussi du théâtre. J’aime beaucoup le 17e siècle avec Louis XIV, Versailles, Molière… D’ailleurs, Molière est très présent dans la pièce même si on ne le voit jamais. En fait, la pièce parle des coulisses du théâtre et du métier de comédien. Ça montre qu’ils ne font pas ça par loisir et que c’est vraiment un métier. De plus, le monde dans lequel vivait Louis XIV était en représentation continuelle. Dès le matin, tout n’était que mise en scène. Versailles n’était qu’une immense pièce de théâtre perpétuelle."

L’interprète de Charles poursuit alors à propos d’un autre trait important de la pièce: "Il y a un rapport au temps qui est très intéressant. Le fait que la pièce ait été écrite à rebours y contribue aussi. Le personnage de Berthin est fasciné par le temps et pour lui, l’invention des secondes, c’est du temps de plus. Pour lui, une montre signifie la liberté et plus de temps pour faire plus de choses. Pour ce qui est du personnage de Charles, tout ce qui se rattache au temps est une prison."

À la différence de Christian Ouellet, que l’on voit dans les productions théâtrales depuis maintenant une dizaine d’années, on peut dire de Guillaume Ouellet qu’il est un nouveau venu dans le milieu. Puisqu’il a travaillé sur de nombreux projets dans d’autres domaines que le théâtre, on est en droit de se demander si un rôle aussi consistant que celui de Berthin ne l’angoisse pas: "Je trouve ça très formateur d’avoir la chance de travailler avec des comédiens et un metteur en scène d’expérience. Moi, j’ai une manière complètement différente d’aborder le théâtre, car je viens du théâtre contemporain où c’est beaucoup plus rigide et où le travail est davantage sur la voix et la présence. Dans Charles et Berthin, c’est davantage un travail de jeu et d’incarnation de personnages. Il faut que j’apprenne à ouvrir la machine et à me lâcher."

Il faut dire que les deux Ouellet bénéficient d’une équipe qui n’a vraiment rien à envier aux autres productions. Lorsque les deux comédiens parlent de leurs collègues, on sent chez eux une véritable admiration. En effet, Émilie Jean et Josée Laporte n’ont pas la tâche facile dans cette pièce où les coeurs de tous convergent vers Berthin, chez qui l’amour se conjugue au masculin. Christian Ouellet commente la situation d’un des personnages féminins: "Émilie Jean a un rôle qui lui va à ravir. C’est la jeune fille qui aspire à jouer dans la troupe de Molière. À un moment donné, elle est censée avoir un rôle et tout à coup, elle se fait reléguer au rang d’habilleuse de son amie Catherine. Plus tard, elle réussira enfin à se tailler une place dans la troupe et à avoir un rôle dans Les Femmes savantes. Le rôle d’Émilie est vraiment à l’image du métier de comédienne."

Au moment où Guillaume et Christian Ouellet s’entretenaient avec nous, beaucoup de questions subsistaient quant aux derniers correctifs. L’équipe voulant éviter de tomber dans le mélodrame ou la tragédie totale, il n’est pas toujours facile pour elle de trouver les niveaux de jeu adéquats. Toutefois, au dire de Guillaume Ouellet, chaque comédien contribue grandement à établir de la justesse et du même coup, cela évite une vision unidimensionnelle de l’oeuvre: "C’est très inspirant de travailler avec un comédien comme Christian Ouellet, car c’est un gars qui n’hésite jamais à proposer des choses. Ça t’invite à le faire aussi. Benoît Lagrandeur me disait il y a quelques jours que maintenant, la pièce appartient aux comédiens. On a placé un cadre ensemble et c’est maintenant à nous de nourrir ça."

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