Claude Lemieux : Mariage de raison
Scène

Claude Lemieux : Mariage de raison

Avec l’équipe de la Veillée, Claude Lemieux met en scène YEL, Yaacobi et Leidental, l’une des pièces de jeunesse de l’Israélien Hanokh Levin.

Si les Français ont découvert Hanokh Levin, un auteur israélien mort en 1999, il y a seulement quelques années, grâce aux traductions de Laurence Sandrowicz publiées aux Éditions Théâtrales, ils s’y sont mis avec zèle. De nombreuses productions récentes témoignent du grand intérêt qu’on lui porte en Europe francophone. Rappelons que l’an dernier, le Théâtre français du Centre national des arts d’Ottawa a accueilli Krum, dans une mise en scène du Polonais Krzysztof Warlikowski.

Le Québec traîne la patte, mais voilà que Claude Lemieux et le Groupe de la Veillée rectifient le tir en s’attaquant à YEL, Yaacobi et Leidental, une pièce qui affiche d’ailleurs de nombreuses parentés avec Krum et fait partie de la même série de "comédies cruelles", plus universelles que ses pièces politiques qui portent un regard très critique sur la réalité israélienne.

"C’est un texte profondément humain, dit Lemieux. L’humour de Levin agit comme un révélateur; il dévoile les travers et les côtés absurdes de l’humanité, avec amusement mais cruauté. On pourrait l’associer à Beckett, d’une certaine façon, mais il est vraiment unique en son genre."

Les personnages de Levin, des archétypes dans le meilleur sens du terme, sont en quête d’idéal et d’amour, mais sont condamnés en quelque sorte à la médiocrité, incapables de s’abandonner réellement à leurs aspirations. Yaacobi (Manuel Tadros) rejette un bon matin l’amitié de son copain Leidental (Roc Lafortune) pour déjouer la banalité de sa vie et se marier avec la séduisante Ruth (Kathleen Fortin).

Le pauvre Leidental abandonné s’offre comme cadeau de mariage et devient presque leur esclave. Mais les choses ne pourront pas durer ainsi très longtemps. "J’ai monté cette pièce-là avec le sentiment que ce que dit Levin, c’est que notre relation avec nous-mêmes et avec les autres est égocentrique. Chaque personnage est en quête d’une union profonde, mais ne peut y arriver parce qu’il est paralysé par la peur de souffrir."

Levin, en plus de son humour très caractéristique, est reconnu pour faire interagir ses personnages dans une structure très précise, où s’enchaînent les dialogues quotidiens et les monologues réflexifs. Dans YEL…, il y a aussi un troisième niveau de jeu, celui des chansons. "Les chansons offrent un autre point de vue sur la situation, plus dégagé, plus universel. C’est fascinant, c’est à contre-courant du rôle des chansons dans les comédies musicales classiques, qui tendent généralement à pénétrer l’intimité et l’émotion des personnages."

En plus d’une langue très directe, économe et rythmée, la pièce est constituée d’une série de 30 courts et efficaces tableaux. "Le temps y est complètement éclaté. C’est une pièce extraordinaire pour un metteur en scène parce qu’elle permet des jeux avec la structure, des transitions, des modifications du rythme, des ajouts de scènes non verbales. Il y a toutes sortes de possibilités et de choix à faire."