Gestes impies : La grande traversée
Scène

Gestes impies : La grande traversée

Avec Gestes impies, la Pire Espèce déploie l’ensemble de ses talents. Pour notre plus grand plaisir.

Pour célébrer les dix ans du Théâtre de la Pire Espèce, on a choisi de mettre la barre haut, les bouchées doubles, autrement dit de se poser un défi de taille: conjuguer en un seul et même spectacle toutes les disciplines qui ont fait la renommée de la compagnie, c’est-à-dire le clown, l’ombre, le masque, la marionnette, l’objet, mais aussi la danse, la musique et l’image. Tout cela sur un plateau de taille… normale.

Il faut le dire, toute proportion gardée, le nouveau-né des créateurs d’Ubu sur la table, Persée et M. Ratichon dans… La vie est un match, habitués de travailler à une échelle miniature, est rien de moins qu’un spectacle à grand déploiement. Plus ou moins bien accueilli par la critique lors de son dévoilement au dernier Festival TransAmériques, Gestes impies et rites sacrés, cérémonie baroque en plusieurs tableaux se révèle un spectacle enchanteur, dépaysant, on ne peut plus carnavalesque, au sens bakhtinien du terme, jouissive juxtaposition de grotesque et de sacré.

Avec cette grande parade d’angoisses existentielles, Mathieu Gosselin, Marc Mauduit et Francis Monty procèdent à un savoureux détournement des conventions du cirque. Sur scène défilent des bêtes drôles et étranges, plus intrigantes les unes que les autres, mais aussi des comédiens qui cherchent un sens à leur spectacle, des hommes et des femmes qui cherchent un sens à leur vie. Toutes les apparitions de Marcelle Hudon sont hilarantes. Mathieu Gosselin est un M. Loyal truculent, Denys Lefebvre, un videur irrésistible, Marc Mauduit, d’un flegme savoureux.

Une société secrète? Une tribu bigarrée aux rituels insondables? Dur à dire. Mais il s’agit sans nul doute d’une superbe métaphore du monde spirituellement dérouté dans lequel nous vivons. Dans cette épopée philosophico-loufoque, il y a bien entendu des moments plus mémorables que d’autres. On regrette par exemple les interventions en voix off du metteur en scène, nettement superflues. Il arrive aussi que certains textes sonnent creux. Mais ce qui fait mouche presque chaque fois, c’est le comique physique et la force des images. Certaines ne sont pas près de nous quitter.

À voir si vous aimez /
Les spectacles de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, ceux de Philippe Decouflé et ceux de James Thiérrée