Marie-Ève Pelletier et Marie-Josée Bastien : Êtres de passion
Scène

Marie-Ève Pelletier et Marie-Josée Bastien : Êtres de passion

Marie-Ève Pelletier et Marie-Josée Bastien parlent avec animation de La Reine Margot: un personnage, un spectacle et un travail de création d’une grande intensité.

Il y a quelques années, Marie-Josée Bastien se plonge dans la lecture du roman d’Alexandre Dumas La Reine Margot. Bientôt, c’est aussi dans son adaptation pour la scène qu’elle se lance: 700 pages. Rien de moins.

OEuvre touffue, comme tous les romans de Dumas, La Reine Margot relate les événements entourant le mariage de Marguerite de Valois (1553-1615) avec Henri de Navarre (Simon Rousseau), qui deviendra Henri IV, dans une ultime tentative pour réconcilier catholiques et protestants. La tentative échoue: au même moment, l’opposition entre les deux groupes dégénère en massacre. Le roman raconte aussi la passion de Marguerite pour le comte de la Mole (Guillaume Perreault), un protestant, ainsi que tous les complots déchirant les Valois, qui se disputent le pouvoir.

Dès qu’elle aborde le travail, Marie-Josée Bastien, qui signe aussi la mise en scène, est frappée par la force de l’oeuvre. "J’ai été complètement fascinée: c’est une histoire épique, passionnante, les personnages ont de la profondeur, les dialogues sont extraordinaires. Le souffle de l’écriture de Dumas est très théâtral. C’est vraiment un coup de coeur."

Si elle a fouillé les ouvrages historiques, elle se concentre, pour écrire la pièce, sur la version des faits que présente le romancier. Il en va de même pour Marie-Ève Pelletier, finissante au Conservatoire de Montréal en 1999, qui incarne la reine Margot. "Je me suis nourrie de toute la partie historique, c’est sûr, mais j’ai vite laissé aller ça. C’est présent dans ma tête, mais mon filon à moi, c’est Dumas et les choix qu’a faits Marie-Josée dans l’adaptation, plus que la Margot historique."

Elle la décrit ainsi: "Pour moi, ce qui rallie toutes ses facettes, c’est la passion, que ce soit dans sa vie amoureuse ou dans son implication dans le royaume. Dans la pièce, on voit Margot comme une amoureuse, évidemment, mais aussi comme la fille qui n’a pas sa place, au départ, dans cette famille-là. Elle est celle qui ne régnera probablement pas, qui est un peu oubliée par sa mère qui se concentre plutôt sur ses fils. Pendant le spectacle, elle essaie de trouver sa place, et quand Navarre arrive, c’est l’occasion pour elle de trouver sa voie. Au départ, Margot est la femme de chair, un peu superficielle. Avec la Mole, elle connaît un amour profond, en même temps qu’elle confronte sa famille. Elle change vraiment pendant le spectacle: elle prend de la maturité, même si elle est très jeune."

Pour raconter cette histoire complexe, l’adaptatrice a bien sûr fait des choix. "Déchirants", sourit-elle. "Le spectacle pourrait durer huit heures, sans problème. Historiquement parlant, c’est formidable; mais il faut aussi garder le souci de raconter une histoire. Alors on place, de la façon la plus simple possible, des choses dans le contexte politique et historique. J’ai voulu mettre l’accent sur les personnages, sur ce qu’ils vivent, et sur leur rapport avec le pouvoir. Tout le monde veut accéder au pouvoir, et tente de l’arracher aux autres. C’est fougueux, ça bout tout le temps: les alliances changent. Moi ce que j’aime, c’est que même dans les scènes les plus calmes, en dessous, c’est volcanique. C’est aussi une course à relais: on se passe le témoin. On change de scène, mais on continue à raconter l’histoire, du point de vue d’un autre personnage. La première partie est très physique, alors que dans la deuxième, tout ce qui bouge se passe à l’intérieur."

Coproduction Bordée-Théâtre Denise-Pelletier, le spectacle réunit 11 interprètes et 6 concepteurs de Québec et de Montréal qui recréeront, par la suggestion, cette vaste fresque. "T’as un plateau vide, explique la metteure en scène, comme un échiquier: c’est vraiment un terrain de jeu. Les comédiens s’installent, et la scène commence, dans le vif. On fait des tableaux avec les costumes, les éclairages, quelques accessoires; on a essayé de suggérer par des mouvements, avec la musique, des chuchotements." Marie-Ève Pelletier poursuit: "Il n’y a pas grand-chose sur scène, mais en même temps, c’est touffu. Et tout passe par le corps des acteurs. Je pense que c’est ça que j’aime le plus: on est dans ce qu’il y a de plus charnel, de plus humain. Et c’est jamais tranquille. C’est ce qui me frappait en répétition: t’as toujours envie d’y aller. "C’est à mon tour, passe-moi le bâton." J’aime beaucoup le côté intense, direct de ce spectacle. Il n’y a pas de niaisage, pas de temps psychologique: tout est essentiel."

Le résultat? Près de 2h30 de spectacle dense, où se côtoient tractations et calculs sordides, mais aussi amour, amitié et idéal.