Marie Gignac : La maison des fous
Scène

Marie Gignac : La maison des fous

Henri IV, troisième production de la saison en cours du Trident, permet à Marie Gignac de signer son troisième Pirandello et de diriger pour une troisième fois Hugues Frenette. Résultat de l’équation dès le 19 janvier.

"Quand je dis aux gens que je joue Henri IV cet hiver, j’ai droit à des wow et à des réactions impressionnées parce qu’ils pensent que je joue dans un grand drame historique!" s’amuse Hugues Frenette. Loin du péplum, l’histoire imaginée par Pirandello est plutôt celle d’un riche aristocrate (Frenette) qui, après un accident de cheval, sombre dans un mélange d’amnésie et de folie qui le fait se prendre pour Henri IV. Pas le roi Henri IV de France (ou de l’autoroute – même gars) ni celui de Shakespeare, mais bien Henri IV du Saint Empire romain germanique, mort en 1106.

La précision historique est cruciale, car, depuis l’accident, parents et amis offrent au malheureux une vie calquée sur celle d’Henri IV. Ils enfilent des costumes d’époque, lui servent honneurs et courbettes dignes du roi qu’il croit être et jouent les conseillers spéciaux, marquises et autres personnages de cour du 11e siècle. Le spectateur entre dans l’histoire alors que l’équilibre de cette grande mascarade est sur le point d’être ébranlé.

Entretenir les illusions de ce faux roi amène évidemment son lot de situations comiques, "mais c’est du comique qui sort d’une situation tellement tragique", commente Marie Gignac. Sous-titrée "tragédie en trois actes", la pièce fait écho à la vie personnelle du dramaturge, dont la femme a été internée: "Ça l’a amené à fréquenter les psychiatres, qu’il aime ridiculiser, d’ailleurs, et à observer la façon dont on se comporte avec les gens atteints de maladie mentale, explique la metteure en scène. Il a beaucoup réfléchi à la définition de la folie. Qui est fou? Celui qui se prend pour un roi qui a existé il y a 900 ans ou ceux qui se croient sains, mais qui embarquent dans cette chimère?"

Dans son deuxième rôle de fou après Donatien, de L’Asile de la pureté, Frenette semble s’amuser royalement: "Je vois là-dedans une critique de la noblesse italienne, soi-disant supérieure. Tu sais, même aujourd’hui, quand Berlusconi mange un coup de statuette en pleine face, tout s’écroule, les gens ne comprennent plus rien! La noblesse italienne est comme intouchable."

Sommité du théâtre italien, Pirandello a beaucoup donné dans le théâtre dans le théâtre. Marie Gignac n’a pas levé le nez sur l’occasion de jouer avec la chose: "Par exemple, les acteurs sont filmés à partir des loges jusqu’à leur entrée sur scène. Ce n’est pas enregistré, mais capté en direct tous les soirs. C’est la première fois que je fais ça, utiliser de la vidéo comme ça, j’ai hâte de voir ce que ça va donner!"

Son grain de sel, elle l’a également mis dans le texte, qu’elle a complètement retraduit à partir du texte original italien, aidée de Roland Lepage, qui maîtrise la langue depuis un séjour de plusieurs années en sol italien. "Souvent, les traductions françaises font de la littérature, rendent les phrases complexes pour rien, alors que la langue de Pirandello est très directe. Je voulais revenir à ça." Buona idea.