Thomas Gionet-Lavigne : Off beat
Thomas Gionet-Lavigne se lance à la rencontre de Jack Kerouac et de la beat generation dans Route, un spectacle solo qu’il signe et interprète. Quête de soi.
L’idée est venue de Marc Gourdeau, directeur artistique de Premier Acte, à l’occasion du 50e anniversaire de Sur la route, le célèbre roman de Jack Kerouac. Thomas Gionet-Lavigne a tout de suite vu l’intérêt d’écrire une pièce autour de cet auteur mythique. "Il s’agit d’une icône du 20e siècle, un des pères des valeurs modernes. Il a participé à la naissance de la beat generation, qui a amené les hippies, les mouvements psychédéliques, etc., relate-t-il. En faisant des recherches, j’ai été très surpris de voir à quel point il ressemblait à mon personnage. C’était un Canadien français, un homme qui courait dans toutes les directions, un poète, un ancien sportif…"
Car il faut préciser que Route n’est pas une biographie de Kerouac, mais bien une création dans laquelle un Québécois se rend aux États-Unis pour essayer de mettre la main sur une pièce inédite de l’auteur. "C’est un peu autobiographique, confie-t-il. Il s’agit d’un acteur en peine d’amour qui fuit à San Francisco pour essayer de se retrouver. Ça raconte une crise, une remise en question."
Le fameux manuscrit serait détenu par une certaine Kate Murray. "J’avais envie de rendre hommage aux femmes derrière les grands hommes, poursuit-il. Kerouac a été marié plusieurs fois, mais ça n’a jamais marché. Alors, j’ai décidé d’inventer un personnage qu’il aurait rencontré avant son roman Sur la route, une femme de lettres amoureuse de lui qui l’aurait poussé à écrire parce qu’il n’était pas assez courageux pour le faire."
Déjà, on sent une parenté avec l’oeuvre du poète américain dans cette prémisse sous le signe du voyage, de l’étranger, bien que Thomas Gionet-Lavigne hésite à qualifier sa pièce de road play au sens strict du terme. "C’est un spectacle sur l’ailleurs et sur la mémoire parce qu’on revit une partie du 20e siècle", observe-t-il. D’ailleurs, les projections de Lionel Arnould, qui servent à évoquer des souvenirs, occupent une place de choix dans la mise en scène d’Hugo Lamarre. De plus, le texte se rapproche selon lui de la prose spontanée de Kerouac, alors qu’il comporte "quelque chose de très oral, un flux de paroles". Tandis que la musique aux accents folks d’Alexandre Thériault rappelle son influence sur des artistes comme Bob Dylan, notamment.
Au cours de ses quelque deux années d’écriture, le jeune dramaturge a constamment cherché à éviter les digressions. "Je ne voulais pas une phrase sans lien direct avec le récit. Aussi, le défi était de dynamiser le texte pour que ça ait l’air d’une pièce de théâtre et non d’un roman qu’on viendrait raconter sur scène, explique-t-il. Mon personnage dialogue avec son ex, il rejoue des situations, il fait d’autres personnages, etc." Quant à l’interprétation, la principale difficulté demeure, pour le comédien, de faire abstraction de l’auteur. Pas évident, mais nécessaire pour amener cette parole… ailleurs.