Anne-Marie Olivier : Pièce de résistance
Scène

Anne-Marie Olivier : Pièce de résistance

Anne-Marie Olivier voit pour la première fois l’une de ses pièces créée à Montréal, en l’occurrence au Théâtre de Quat’Sous. On parle avec elle des enjeux de Mon corps deviendra froid.

Diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Québec, une ville où elle est très active à la fois comme comédienne – elle a notamment joué sous la direction de Frédéric Dubois et Wajdi Mouawad – et comme auteure – on lui doit Gros et Détail, Le Psychomaton et Annette -, Anne-Marie Olivier dévoile ces jours-ci aux Montréalais sa nouvelle pièce, Mon corps deviendra froid.

Portrait d’une famille on ne peut plus dysfonctionnelle, le texte, que le comédien Stéphane Allard porte à la scène, est qualifié par son auteure de "comédie indigeste". C’est qu’il s’articule autour d’un repas commémorant le décès du chef de famille (Roger La Rue) dix ans auparavant, dans des circonstances pour le moins troubles.

"Par rapport aux pièces que j’ai écrites avant, c’est un peu un monstre, lance l’auteure. Un monstre qui est sorti de mon ventre. On a souvent dit de mon travail qu’il était un peu fleur bleue, un peu Amélie Poulain. Cette fois, on est vraiment dans les choses crues. Il y a beaucoup de violence verbale." En effet, ceux qui avaient rangé le théâtre d’Anne-Marie Olivier dans la catégorie "inoffensif" vont se rendre compte que la jolie jeune femme est capable de faire balancer à ses personnages quelques vacheries bien senties.

Transmission et traumatismes

"Il y a des familles au sein desquelles on ne se parle plus, où il y a de lourds secrets qui planent, des plaies ouvertes qui ne sentent pas bon. Dans ma propre famille, je me suis rendu compte qu’il y a des gens qui ne se réconcilieront jamais, qui ne seront jamais en paix avec leurs histoires. Moi, avant d’avoir des enfants, j’ai fait un petit ménage. Je ne voulais pas donner dans le cannibalisme psychique en leur transmettant des choses non réglées."

Dieu sait qu’en travaillant avec Mouawad, surtout à la création de Forêts, Olivier a baigné dans ce genre de sujets. "Oui, vraiment. Ça paraît que j’avais encore les orteils trempés dans Forêts en écrivant Mon corps deviendra froid. Cela dit, je n’ai aucune prétention par rapport au maître. Ce que j’écris n’a rien à voir avec les épopées tragiques de Wajdi. J’ai la lucidité de savoir que je ne serai jamais lui. Mais c’est une inspiration, un feu qui se transmet, un moteur extraordinaire."

Au coeur de sa pièce, mais aussi un peu en retrait de celle-ci, l’auteure a placé Sylvie, une jeune femme qui se définit comme une "handicapée sociale". "C’est mon alter ego! Elle a un pied dans l’histoire et l’autre du côté des spectateurs." Incarnée par Brigitte Lafleur, Sylvie nous accueille: "La pièce que vous allez voir ne parle pas vraiment de moi. Elle parle d’une famille qui me traverse comme un train passe à travers un suicidaire, laissant près des rails une peau de visage plate comme pizza." Voilà qui donne le ton.