Le Bourgeois gentilhomme : Le ridicule ne tue pas
Pas plus révélateur que comique, pas plus éclairant que divertissant, le Bourgeois gentilhomme de Benoît Brière déçoit amèrement.
C’est la troisième fois qu’on met en scène Le Bourgeois gentilhomme au Théâtre du Nouveau Monde. La dernière production de la comédie-ballet remonte tout de même à 1989, avec André Montmorency dans le rôle-titre. Pourtant, dieu sait que la pièce de Molière n’a rien perdu de sa pertinence. Dans notre société du paraître, les gens qui souhaitent accéder à un rang social soi-disant plus élevé sont légion. Ceux qui cherchent à se faire valoir, à gravir les échelons du matin jusqu’au soir courent les rues. Vous avez quelqu’un en tête?
Monsieur Jourdain est un archétype. Ses excès vestimentaires, sa soif de savoir et sa passion pour les "gens de qualité" font rire de par le monde depuis 1670. Mais il ne faudrait pas perdre de vue que la pièce est d’abord et avant tout une dénonciation des travers d’une société où on laisse croire que tout s’achète. Au coeur de la démarche de Jourdain, aussi risible soit-elle, aussi naïve, il y a le désespoir d’un homme qui sacrifierait deux doigts de sa main pour être né comte ou marquis. Malheureusement, cet aspect plus grave de l’oeuvre est totalement absent de la mise en scène de Benoît Brière. Non seulement sa lecture est dénuée de toute profondeur, mais elle est si pompière, si caricaturale qu’elle étouffe même le comique.
La plupart des comédiens cabotinent, s’égosillent ou donnent dans la surenchère. Le décor est sans surprise. Les costumes sont si bigarrés qu’on ne voit plus que des taches de couleurs. La musique évoque celle de Lully tout en nous la faisant regretter. Pourquoi diable avoir fait appel à deux musiciens si c’est pour diffuser une bande sonore durant la majorité du spectacle? On voudrait bien se raccrocher à un aspect qui fonctionne mieux, mais on ne sait lequel tant le naufrage est complet.
De cette déconfiture, Guy Jodoin n’est pas plus coupable que les autres. Il est même plutôt à l’aise dans les habits de Jourdain. Le problème est bien plus fondamental. Pour s’amuser, faut-il vraiment faire le sacrifice du propos? Peut-on vraiment divertir sans s’adresser à l’intelligence? Des questions que ce Bourgeois gentilhomme pose en lettres de feu. Monter Molière sans se demander ce qu’il dit du monde dans lequel nous vivons, n’est-ce pas le trahir?