Pierre-Michel Tremblay : Choc post-traumatique
Scène

Pierre-Michel Tremblay : Choc post-traumatique

Quand la douloureuse réalité d’un soldat en choc post-traumatique rencontre la fiction et, surtout, la comédie, ça donne Au champ de Mars, la nouvelle pièce de Pierre-Michel Tremblay à l’affiche de La Licorne. Conversation avec l’auteur.

C’est connu, Pierre-Michel Tremblay aime prendre des sujets graves pour en faire des comédies satiriques, une recette qu’il affine depuis ses débuts. Après Coma Unplugged, ce spectacle dans lequel le mélange d’indignation et d’humour a particulièrement fait mouche, le Théâtre de la Manufacture s’engage à nouveau sur cette voie avec Au champ de Mars, cette fois en abordant le thème plus délicat du choc post-traumatique. De retour d’Afghanistan, un jeune soldat souffrant d’une importante blessure psychique (Mathieu Quesnel) rencontre un réalisateur de films de guerre (David Savard) par le biais de sa psychiatre (Josée Deschênes). Il y aura choc entre le monde fictif et le monde réel.

"Je suis fasciné de voir qu’on fait autant de culture et de divertissement à propos de la guerre, explique Tremblay. On ne compte plus les films de guerre, les romans, les pièces de théâtre, les jeux vidéo qui s’en inspirent. Mais ce qui m’intéresse surtout, c’est le clivage entre la réalité et la fiction. Au cinéma, par exemple, l’écran nous propose un mensonge, c’est bien évident. Et malgré la force des images, la fiction n’arrive pas toujours à ébranler le monde comme elle le devrait. Je voulais écrire sur cette ambiguïté-là."

Si la spectacularisation de la guerre l’intéresse, Tremblay cherche aussi à mesurer les effets de la guerre dans nos vies. Le champ de Mars, un lieu où jadis les Romains s’entraînaient au combat, mais aussi un parc de Montréal qui a vécu un certain nombre d’épisodes militaires, est à ses yeux une métaphore des traces laissées par la guerre dans notre quotidien. "À Montréal, le Champ-de-Mars a été un vrai lieu de bataille où Lambert Closse a défendu la ville contre les Iroquois au début de la colonie. Beaucoup de villes, comme Paris, ont encore aujourd’hui un Champ-de-Mars, un lieu paisible avec des bancs, alors qu’il a été un jour le théâtre de violents conflits."

Le jeune soldat de sa pièce, lui, vit encore les affres de la guerre, bien longtemps après son retour d’Afghanistan. "Je trouve que les vies de plusieurs soldats sont brisées alors qu’ils sont encore très jeunes. On ne peut pas nier cette réalité, et le pire est que ces soldats ont par la suite bien du mal à faire reconnaître leurs difficultés à vivre en société."

Ça semble bien dramatique tout ça, mais ce serait mal connaître Pierre-Michel Tremblay que de se fier aux apparences. "Si je n’utilisais pas l’humour, j’aurais l’impression d’être fleur bleue et moralisateur. Peut-être que le spectacle donnera envie à certains d’aller plus loin et de fouiller le sujet, je le souhaite, mais c’est avant tout une comédie noire. On est dans des registres de rire plus jaune, plus cinglant. Ce n’est pas une comédie de situation, pas non plus une fable cynique contemporaine. Et ce n’est pas de l’humour léger, c’est de l’humour heavy metal. Je pense que si les gens embarquent, et surtout grâce aux formidables comédiens de la production et à la solide direction d’acteurs du metteur en scène Michel Monty, cet humour-là peut avoir un effet cathartique."