Annie Gagnon et Alan Lake : Corps sculpturaux
Annie Gagnon et Alan Lake sont deux des sept chorégraphes programmés de fin janvier à fin février dans la série "Corps plastiques" à Tangente. Panorama des oeuvres métissées de jeunes artistes prometteurs.
Pendant quatre semaines consécutives, Tangente expose les créations de chorégraphes qui mettent la danse en résonance avec un ou plusieurs arts plastiques. La première semaine, Emmanuelle Calvé partage la soirée avec le Français Michaël Cros, programmé en partenariat avec Temps d’images. Les deux artistes font des usages très différents de la marionnette. La première la place dans une scénographie de papier et la croise avec le théâtre d’ombres dans Peau d’Or, sors de l’ombre, une ode à la transformation sur fond de mythologie amérindienne. Le second l’utilise pour mettre en scène divers modes de présence, dont le corps numérique, dans les cages d’une troublante installation chorégraphique intitulée Le Zoo "Chaleurhumaine".
Annie Gagnon occupe ensuite la scène avec le danseur David Rancourt et les étonnantes sculptures de Pascal Lareau: un lapin samouraï et une biche lumineuse ayant inspiré la gestuelle et l’esthétique de La Marche invisible. "Composer dans l’espace, c’est un peu comme composer une toile; je dois choisir où placer telle couleur, telle énergie…", commente la chorégraphe issue, comme plusieurs des artistes présentés, des arts visuels. Travaillant toujours le mouvement en rapport avec l’objet (des lampes dans une oeuvre, des éventails et kimonos dans une autre), elle a vu sa danse devenir plus minimaliste au contact des sculptures. "Dans le tableau du lapin, on incarne la puissance et l’énergie d’enracinement qu’impose la statue, dit-elle. Le temps est suspendu, tout est en lenteur dans un espace blanc épuré. À l’inverse, on déplace la biche, c’est plus fou, plus émotif et plus chargé visuellement."
La troisième semaine, dans Stuck, Marie Claire Forté s’interroge sur le caractère fluctuant de l’identité en dansant également en interaction avec une sculpture, un torse de femme. La soirée est partagée avec Chaudières, déplacements et paysage, où Alan Lake ouvre le spectacle avec le court-métrage qui a précédé la création de la chorégraphie. "J’aimerais avoir un cycle de production qui passe, par exemple, d’une vidéo-danse à une oeuvre scénique, puis à une installation sculpturale qui redevienne vidéo et retourne sur scène, déclare le chorégraphe de Québec. J’aime que chaque médium se nourrisse des autres tout en gardant sa spécificité, qu’ils coexistent sans mélanger les langages."
La série se termine en beauté pendant le Festival Montréal en lumière avec un autre programme double. Dans La Physique, première partie d’une étude sur la fusion des univers scientifique et chorégraphique, Anne Thériault use de la lumière et de l’imagerie cinématographique pour créer, avec un minimum de moyens techniques, une atmosphère fantastique aux relents de série B. Quant à Séverine Lombardo, l’une des deux chorégraphes de la compagnie Les Soeurs Schmutt, elle collabore avec l’éclairagiste Lucie Bazzo pour approfondir la relation déjà très subtile qu’elle a su établir entre le corps et la lumière. Dans Petites Pièces de poche, le spectateur est invité à une expérience étrange et sensorielle dans un parcours chorégraphique où il partage l’espace avec les interprètes. Une programmation qui devrait attirer un public varié.