Michel Tremblay : Amours chiennes
Les Productions Jean-Bernard Hébert reviennent au Centre des arts de Shawinigan avec la comédie romantique Un peu, beaucoup, passionnément, de l’auteur américain Richard Baer. Traduction: Michel Tremblay.
L’humour juif, vous connaissez? Rien à voir avec les jeux de travestissement shakespeariens de la pièce Ladies et Gentlemen, ni avec les rouages de l’enquête de Huit Femmes. Les Productions Jean-Bernard Hébert font un nouveau virage à 180 degrés. "L’humour juif tel que mis à l’oeuvre dans cette pièce-là, précise Michel Tremblay, se caractérise par le cynisme et l’autodérision: les personnages sont très durs envers eux-mêmes. C’est aussi, dans une moindre mesure, un humour qui se décline en trois temps: la même blague revient trois fois, à trois endroits différents, mais elle prend toute son ampleur la troisième fois. Cette dynamique-là me plaît et c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai accepté de traduire la pièce. C’est du grand art, et d’ailleurs presque toutes les pièces du grand Neil Simon sont construites comme ça."
Le juif, dans l’histoire, c’est Herman Lewis (Normand Lévesque), un veuf new-yorkais de 63 ans qui s’attriste de voir son amie Christine (Pierrette Robitaille), veuve elle aussi (mais catholique), déménager en Floride en quête d’une nouvelle vie. Et pour l’en empêcher, il s’empresse de la demander en mariage et de lui promettre le bonheur qu’elle mérite. Le temps presse: Herman ne dispose que d’une soirée et d’une nuit pour conquérir sa vieille amie avant le grand déménagement. Elle résiste, bien sûr, et puis de conversations en confidences, les masques tombent, et leur relation prend des chemins tortueux et inattendus. Tout cela, sous le regard ahuri de deux déménageurs aux personnalités antagoniques (Donald Pilon et Laurent Duceppe-Duchesne) se trouvant mêlés contre leur gré à cette romance impromptue. "Les déménageurs, dit Tremblay, comme souvent au théâtre américain, forment une sorte de choeur réduit à sa plus simple expression. Sans vraiment commenter l’action, ils sont témoins de tout ce qui se passe et constatent l’évolution des personnages, de connivence avec le public."
"LE CUL EST TRÈS IMPORTANT"
Rapidement, Herman et Christine entrent dans le vif du sujet: le sexe! Un sujet toujours très tabou lorsque abordé par des tourtereaux d’âge mûr, croit le dramaturge-traducteur. "C’est très rare qu’on parle de la sexualité des vieux au théâtre, et je dois dire que ça m’a frappé dans cette pièce. Le cul est très important dans la relation qui se développe entre Herman et Christine. C’est aussi très rare qu’un auteur réussisse, avec un tel sujet, à faire rire et susciter l’émotion en même temps."
L’histoire ne dit pas clairement si les prouesses sexuelles sont au rendez-vous, mais entre les deux veufs éplorés, tout est aussi une question de tendresse et de compatibilité. Elle est cultivée et élégante, il est brusque et terre à terre. Ils forment le parfait duo comique, mais répondent aussi à une dynamique de couple très classique. "On sent que l’ambiance était la même dans leurs vies de couple précédentes. Le mari de Christine, qui était le meilleur ami d’Herman, lui ressemblait en tous points. En quelque sorte, ils recréent le passé, sans surprises. Pour cette raison-là, entre autres, cette pièce ne me disait rien de bon au départ. Mais les personnages ont fini par m’attendrir, parce qu’ils ne sont pas seulement des clichés, ils ont une belle épaisseur."
SITCOM AMÉRICAINE
Le traducteur, qui dit s’être effacé le plus possible "par respect, et parce que c’est un véritable défi que de trouver les mots justes pour transmettre la parole d’un auteur", a aussi pris son pied à travers l’écriture de Baer, très proche de la sitcom américaine. Car c’est à la télé que l’auteur a fait ses classes. Il a écrit les textes de la série Ma sorcière bien-aimée (Bewitched) et scénarisé plus d’une cinquantaine d’émissions avant de se risquer au théâtre avec cette unique pièce en carrière. "On n’a pas d’auteurs comme ça ici, remarque Tremblay, des one-liners, qui misent sur le sens de la répartie. C’est vraiment une pièce de parole, axée sur la force de frappe et la richesse des répliques." Pour porter cette parole, "il faut des acteurs fabuleux", et l’homme de théâtre ne s’inquiète pas outre mesure: "Pierrette et Normand feront assurément du bon travail, comme d’ailleurs Monique Duceppe à la mise en scène."