YEL, Yaacobi et Leidental : D'amour ou d'amitié
Scène

YEL, Yaacobi et Leidental : D’amour ou d’amitié

De YEL, Yaacobi et Leidental, une pièce de l’Israélien Hanokh Levin, Claude Lemieux et son équipe font un spectacle au charme irrésistible.

Une fois de plus, Claude Lemieux, grand complice du Groupe de la Veillée, démontre qu’il ne manque pas de flair. Le metteur en scène, qui fut l’un des premiers à monter Lars Noren et Mateï Visniec au Québec, a déniché un texte de jeunesse d’Hanokh Levin, un dramaturge israélien dont les oeuvres sont étrangement absentes de nos scènes. Créée à Tel-Aviv en 1972, YEL, Yaacobi et Leidental est une pièce pétillante en 30 tableaux et 12 chansons, une fable musicale et dansée sur l’amour et l’amitié, en somme, sur le sens de la vie.

Il faut dire que les trois comédiens, truculents, correspondent tout à fait aux personnages. Roc LaFortune et Manuel Tadros, qu’on ne voit pas souvent au théâtre, incarnent David Leidental et Itamar Yaacobi, de vieux amis qui s’aiment autant qu’ils se détestent, un tandem plein d’esprit, attachant, délicieusement absurde. On pense inévitablement à Laurel et Hardy aussi bien qu’à Vladimir et Estragon. Pour mettre du piquant dans leur quotidien, on peut compter sur la vive et plantureuse Ruth Chahach, brillamment campée par Kathleen Fortin. Si les deux hommes sont rapidement envoûtés par la sensuelle jeune femme, il en va de même pour les spectateurs. Sa voix, ses hanches et sa répartie la rendent particulièrement persuasive.

Pour mettre en scène ces fragments de discours amoureux, des scènes de séduction et de rupture truffées de ce qu’on appelle couramment l’humour juif, Lemieux a choisi un décor minimal, géométrique, le plus souvent recouvert de projections mouvantes évoquant les différents lieux. Un dépouillement qui permet de s’attarder à l’essentiel, la relation entre les membres du triumvirat, leur joie de vivre, mais aussi les violences quotidiennes qu’ils s’infligent sciemment, les jeux de pouvoir auxquels ils s’adonnent avec délectation.

Dans l’oreille, on garde la langue inventive de ces beaux parleurs – la traduction de l’hébreu par Laurence Sendrowicz, quoique nettement franchouillarde, est d’une rare efficacité – et la musique de Francis Covan, interprétée par Laurent Chaput à l’accordéon et à la guitare. On sort de la salle le coeur léger, ragaillardi par l’inspirante quête de bonheur à laquelle on vient d’assister.