Au champ de Mars : Ondes de choc
Au champ de Mars traite avec justesse d’un sujet grave et d’actualité: les répercussions de la guerre sur une société qui ne la vit pas directement.
Éric, soldat dans la vingtaine, rentre d’Afghanistan avec un méchant traumatisme: c’est que là-bas, il y a la guerre, et si l’on peut s’en sortir sans blessure physique, on n’en revient toutefois jamais indemne. Le jeune homme atterrit ainsi chez une psychologue elle-même au bout du rouleau, fatiguée de se faire raconter des horreurs et de servir de déversoir. La guerre, elle la vit par procuration, et pourtant elle en souffre.
C’est là tout le propos de la pièce de Pierre-Michel Tremblay: montrer que si la guerre a lieu loin de chez nous, on ne peut pas pour autant l’ignorer ni se contenter d’en faire un objet de consommation culturel, tel le personnage de Marco, réalisateur, dont les idées préconçues sur le sujet font froid dans le dos. Au-delà du drame intime, se dessine un problème de société. Une société dont les jeunes s’engagent dans l’armée par manque de perspectives d’avenir, et qui les ignore – voire les méprise – quand ils reviennent de la guerre, traumatisés par l’expérience.
Si le spectacle est un peu lent à démarrer, on finit par s’attacher à ces personnages qui luttent avec les moyens du bord contre leurs difficultés, et on apprécie la capacité des comédiens à introduire de la finesse dans leur interprétation, malgré une direction d’acteur globalement peu subtile. Ainsi, derrière les vociférations, Mathieu Quesnel nous laisse entrevoir l’immense souffrance d’un homme qui se coupe du monde pour ne pas avoir à dire l’indicible; Josée Deschênes, par un soupir ou un mouvement de la main, traduit une fatigue existentielle; les mimiques de David Savard expriment l’anxiété d’un homme face à ce qu’il ne comprend pas.
Comme à son habitude, Pierre-Michel Tremblay a placé l’humour au coeur de son texte. Un choix qui apparaît salutaire et évite à la pièce de sombrer dans le moralisme ou la caricature. Car le sujet est délicat et, avouons-le, les personnages se révèlent assez stéréotypés. On pourra d’ailleurs reprocher au metteur en scène Michel Monty d’avoir encore forcé le trait. Cependant, l’humour omniprésent, la vivacité des dialogues et la profonde détresse qui habite les personnages donnent à la pièce sa richesse. Au-delà du sujet lui-même, la justesse du regard de Tremblay sur les choses est fascinante.