Paradis perdu : Ce n’était qu’un rêve
Tout en brillant de mille feux, le Paradis perdu de Dominic Champagne et Jean Lemire fournit bien des raisons d’être agacé.
Avec Paradis perdu, une création d’une admirable envergure, Dominic Champagne et Jean Lemire arrivent, sous nos yeux, entre les quatre murs d’une salle de spectacle, à réenchanter un monde post-apocalyptique, à transformer une terre dévastée (qui pourrait bien être la nôtre sous peu) en une planète bouillonnante de vie. Ce n’est pas rien. On a rarement – et peut-être même jamais – au Québec assisté à pareil déploiement de projections vidéo. Malheureusement, le fond n’est pas du tout à la hauteur de la forme.
Il faut commencer par dire à quel point les effets 3D d’Olivier Goulet sont saisissants. Les projections se font sur trois surfaces: fond de scène, plancher et tulle en avant-scène. Celles qui se font sur le sol sont de loin les plus étonnantes. Recouvert d’une matière qui évoque la terre, le plan incliné conçu par Michel Crête adopte les reliefs les plus divers. Au son des compositions célestes de Daniel Bélanger naissent de stupéfiants paysages: volcans en pleine éruption, mers furieuses et forêts verdoyantes.
La fable, judéo-chrétienne jusqu’à la moelle – le spectacle s’ouvre d’ailleurs sur une citation du Paradise Lost de John Milton et l’image d’une pomme qui pourrit à vue d’oeil -, est la première à susciter l’agacement. À un soldat, dernier survivant de l’hécatombe (Rodrigue Proteau), on donne la chance de se faire jardinier et de recommencer à zéro. Après avoir créé le Ciel et la Terre, notre héros va créer l’Homme (Goos Meeuwsen) et la Femme (Esther Gaudette), qui vont s’aimer et donner la vie à leur tour. Ça vous rappelle quelque chose? Disons que l’imagination n’est pas tout à fait au rendez-vous.
Proteau est toujours aussi leste et vigoureux. Meeuwsen l’est tout autant, mais il insuffle à la représentation un caractère clownesque qui détonne. Quant à Gaudette, sublime danseuse, il faut admettre qu’elle abuse un peu des gémissements. Mais le plus difficile à supporter, c’est la narration du Poète, un discours nouvel-âgiste, pour ne pas dire naïf, et souvent sentencieux. Dans un personnage qui s’apparente hautement à celui qu’il incarnait dans L’Odyssée orchestrée par Champagne en 2000, Pierre Lebeau abuse nettement des possibilités de sa voix caverneuse.
Au bout du voyage, la guerre, l’obscurité et la désolation ont repris le dessus. Tout cela n’était qu’une utopie. Le rêve était somptueux mais, malheureusement, sans grande substance.
À voir si vous aimez /
L’Odyssée mise en scène par Dominic Champagne, les spectacles de lemieux.pilon 4d art et ceux des Deux Mondes