Une musique inquiétante : Sur un air connu
Scène

Une musique inquiétante : Sur un air connu

Réaliste, sage et conventionnelle, la mise en scène d’Une musique inquiétante par Martin Faucher n’en est pas moins servie par un admirable souci du détail et des acteurs en pleine forme.

Dans son genre, la pièce de l’Américain Jon Marans est quasi irréprochable. S’y installe, à coups de franches réparties et de confrontations verbales, une relation tendue et pourtant respectueuse entre un jeune pianiste américain et son maître de chant autrichien, dans une Vienne contemporaine dont le lourd passé ne se laisse jamais oublier. Le jeune Stephen Hoffman, musicien rationnel en panne d’inspiration, vient y recevoir l’enseignement du réputé professeur Schiller, mais il sera plutôt accueilli par le professeur Mashkan, censé lui transmettre la passion du chant. La déception sera grande, et le conflit, incessant.

Si leur opposition est d’abord très schématique, s’articulant sans grande subtilité autour des traditionnelles tensions entre l’Europe et l’Amérique, la tradition et la modernité, et plus encore Schumann et Philip Glass, leur rivalité s’affine au contact des bouleversements politiques ambiants, alors que se trame l’élection controversée de Kurt Waldheim, soupçonné d’avoir frayé de près avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Peu à peu, les masques tombent et les secrets des deux hommes sont révélés. Structure classique, mais implacable.

Le metteur en scène Martin Faucher s’attaque pourtant à cette partition avec grande retenue. On s’explique mal cette écrasante modestie. Tout y est très précis et exécuté dans les règles de l’art, mais toujours sans surprise, sans risque, sans personnalité. Une mise en scène anonyme, où l’on reconnaît les talents de direction d’acteur du metteur en scène, mais pas sa vision du monde ou ses aspirations esthétiques. La dimension politique du texte y occupe une place bien timide, alors que la musique prend toute son ampleur. Simple question d’équilibre.

Dans un tel univers, réaliste au possible, l’attention se porte sur le jeu. Heureusement, l’écueil de la psychologie est évité au profit de compositions colorées et d’interactions vives, sans excès. Jean Marchand dévoile tout en finesse le passé trouble de son personnage, sans pour autant faire craquer son enrobage sucré et son tempérament fielleux, alors qu’Émile Proulx-Cloutier, entre agitation et colère, cherche encore le bon dosage. Ça viendra bien assez vite.