Patrick Lacombe : Changement de destin
Le Théâtre des Gens de la place conclut sa saison 2009-2010 sur une note de philosophie.
Chaque saison, le Théâtre des Gens de la place ose une production un peu plus risquée. Cette fois-ci, c’est Jacques et son maître de Milan Kundera (L’Insoutenable Légèreté de l’être, La Valse aux adieux). Un hommage à Diderot qui met en scène Jacques (Guillaume Cholette-Janson) et son maître (Patrick Lacombe) qui, convaincus que leur destin est déjà déterminé, se révoltent contre le créateur et tentent de récrire leur histoire.
Rencontré à la fin d’une journée bien remplie, Patrick Lacombe n’a pas caché son enthousiasme pour le projet: "C’est un texte formidable! Éric Ahern [le metteur en scène] et moi, on l’avait joué à l’université il y a peut-être une vingtaine d’années. On avait tous été séduits par le texte." Pour cette production, Ahern lui a fait un cadeau: Lacombe incarne à nouveau le maître. "C’est rare que l’on peut reprendre un rôle 20 ans après. C’est là qu’on se rend compte que l’on vieillit, que l’on mature." Le comédien admet qu’il jouait faux autrefois. Aujourd’hui, il comprend que la justesse du maître réside dans la finesse de son jeu, qu’il doit se mettre au service des autres personnages plutôt que d’essayer d’attirer les yeux vers lui et de soutirer des rires. Un excellent exercice pour l’ego.
Malgré son bonheur de retrouver Kundera, Lacombe signale qu’il n’a pas sauté les yeux fermés dans cette production. Il a mis ses conditions. Après une exquise première expérience aux côtés de Philippe Racine dans le rôle de Jacques, il n’avait pas l’intention de partager la scène avec n’importe qui. Il voulait avoir du plaisir avec le comédien qui allait lui donner la réplique. C’est donc avec un grand sourire qu’il apprit que Guillaume Cholette-Janson (Antigone, Yonkers) avait accepté d’incarner Jacques. D’ailleurs, encore aujourd’hui, il se réjouit de ce tandem. Il salue l’inventivité et l’écoute de ce comédien. "Il me fait sortir de ma zone de confort!" Ce qu’il trouve tout à fait extraordinaire.
PHILO 101
Jacques et son maître s’aventure sur les terrains de la philosophie. "Le texte est basé sur deux questions, entre autres, explique Patrick Lacombe. Est-ce que tout est inscrit là-haut? Ou est-ce qu’on peut influencer notre avenir?" Afin de mettre un peu de lumière dans tout ça, Jacques et son maître réaliseront un voyage dans leur passé respectif. "Ils vont essayer d’influencer, l’un et l’autre, leur passé pour peut-être essayer de changer l’avenir. Le maître étant un peu plus fataliste, et Jacques plus de son époque – le Siècle des lumières -, très ouvert, il veut intervenir sur son propre avenir. Tu vois, je trouve ça très d’actualité par rapport à ça."
Si elle pose quelques questions existentielles, la pièce n’a cependant rien d’assommant. "C’est un texte grivois par moments. Grivois, c’est peut-être fort, corrige le comédien. Grivois pour l’époque peut-être. Éric a fait comme deux mondes: le monde humain, Jacques et le maître, et les personnages annexes, qui viennent du règne animal. Les personnages sont bâtis sur des prémisses d’animaux. Ça permet de traiter de sexualité d’une façon pas trop choquante." D’ailleurs, au dire de Lacombe, tout l’intérêt du texte repose sur les personnages secondaires. Il ne faudrait donc pas manquer de souligner la participation de Marie-Andrée Leduc (l’aubergiste), de François Gagné (le marquis) et de Martin Bergeron (le chevalier de St-Oen).