Shana Carroll et Florent Lestage : Contes de la névrose ordinaire
Le nouveau spectacle des 7 doigts de la main nous entraîne chez le Psy. On en discute avec Shana Carroll, metteure en scène, et Florent Lestage, l’un des 11 jeunes talents en piste.
Trois spectacles en tournée, des activités parallèles comme l’animation du Pavillon du Québec aux Jeux olympiques de Vancouver, une nouvelle production d’envergure… Malgré les marchés qu’ils ne peuvent pas percer à cause des restrictions budgétaires imposées par le gouvernement Harper, Les 7 doigts de la main réussissent à tirer leur épingle du jeu et osent prendre le risque du développement. Leur nouvelle création, Psy, met en scène 11 artistes de la relève circassienne dans un décor imposant qu’une équipe vidéo de six personnes anime par l’image.
"On a commencé par un brainstorming entre "doigts" pour le concept général et j’ai écrit, comme pour les autres spectacles, un premier scénario, raconte Shana Carroll. D’habitude, il évolue beaucoup en cours de création, mais cette fois, le premier squelette devait être très proche de la trame finale à cause de la création vidéo. On a eu peur de ne pas pouvoir profiter à 100 % des artistes, mais on a réussi quand même à faire les ajustements nécessaires." Étant donné la sédentarisation de Carroll pour cause de maternité récente et les absences prolongées de ses collègues pour cause de tournées, il a semblé logique que la trapéziste assure finalement seule la réalisation du projet, appuyée ponctuellement par les autres. Isabelle Chassé l’a assistée à la mise en scène et Gypsy Snider, au jeu et à la création des personnages.
Contrairement aux spectacles précédents, qui se déroulaient tous en huis clos, Psy nous promène dans différents univers et nous fait même entrer dans la tête des personnages par le biais des images. Chacun d’entre eux souffre de troubles mentaux, de l’insomnie à l’agoraphobie, en passant par la schizophrénie, la paranoïa ou l’hypocondrie. Ex-élève de l’École nationale de cirque de Montréal, comme la plupart des artistes en scène, Florent Lestage est quant à lui frappé d’amnésie. Les massues avec lesquelles il jongle sont ses souvenirs manquants.
"J’ai passé un an en Norvège et je voulais vraiment travailler avec Les 7 doigts, confie l’artiste de 24 ans. Ça va me faire progresser et c’est très bon pour mon image. Et puis, faire le tour du monde pendant trois ans avec un groupe d’amis, c’est des conditions que je ne retrouverai pas de sitôt." Le jeune homme souligne aussi l’esthétique particulière de la compagnie et la polyvalence qu’elle exige des artistes, qui maîtrisent souvent plusieurs disciplines circassiennes en plus d’être de bons acteurs et danseurs. Au programme cette fois: jonglerie, mât chinois, lancer de couteaux, trapèzes fixe et ballant, roue allemande, corde lisse et planche sautoir pour clore le spectacle dans une apothéose d’acrobaties. Le tout enrobé d’une musique à dominante électronique qui, selon Carroll, "colle tellement bien aux numéros qu’on dirait presque une composition originale".
"Le thème du spectacle peut faire penser que ça va être très lourd, mais ce n’est pas le cas, explique la metteure en piste. Notre idée était d’avoir un fond un peu plus sombre et véridique en termes de troubles, mais aussi de montrer la joie, la beauté et l’humour chez ces gens-là."