Théâtre du Faux Coffre : Clowns à vendre
Scène

Théâtre du Faux Coffre : Clowns à vendre

Les dramaturges ne sont pas légion dans la région. Martin Giguère, scripte de service, est sur tous les fronts.

Pas faciles à promouvoir, les Clowns noirs. On dirait parfois que personne n’aime les clowns. Même Martin Giguère, qui pourtant fait partie de ceux qui sont les plus connus dans la région. "Moi, je déteste les clowns. S’il y a une affaire que j’haïs sur la terre, c’est ça. Nous, on est des clowns, mais on n’a pas un jeu clownesque."

Ce n’est pas d’hier qu’ils veulent se vendre. Les spectacles des Clowns noirs, qui font un tabac dans la région, peinent à susciter l’attention qu’ils méritent hors de nos frontières. Comme sur l’air de Contumace, chanson dans laquelle Félix Leclerc dénonçait le même phénomène, Giguère critique l’a priori selon lequel il faudrait un diplôme pour savoir jouer, problème avec lequel la troupe est aux prises quand elle cherche à exporter les aventures des Clowns noirs: "Souvent, les gens de l’extérieur qui ne nous ont pas vus sur scène se questionnent sur la qualité de notre jeu étant donné que personne n’a fait les grandes écoles. Ça prend un papier…"

Pour corriger la situation, le Théâtre du Faux Coffre prévoit réaliser un court métrage au mois d’août, qui sera pour les Clowns une carte de visite. "Parce que si on veut vendre nos shows, seulement filmer nos pièces, ça ne donne pas un résultat satisfaisant. Du théâtre filmé, c’est rarement bon." Les Clowns seront donc les vedettes d’un court, ce qu’ils ont déjà vécu à quelques reprises, entre autres dans un film improvisé créé dans le cadre du Festival Regard sur le court métrage au Saguenay. Une pièce d’anthologie.

Giguère avoue que les Clowns noirs ont plus d’ambition. Le film pourra aussi servir de pilote pour la télévision. Peut-être réussiront-ils enfin à envahir notre petit écran, nos irrévérencieux défenseurs de la culture.

SOLOS DE CLOWNS

Afin de trouver les fonds nécessaires pour investir dans ce nouveau projet, le Théâtre du Faux Coffre présentera une série de quatre spectacles solos où chaque clown sera seul maître à bord. Pour la première prestation, c’est Diogène qui prendra la scène.

Construite à partir d’un court roman de jeunesse écrit à neuf ans par Martin Giguère, la performance consistera en une lecture TRÈS commentée de ce que le clown considère comme une oeuvre majeure qui pourrait bien changer le cours de l’humanité. C’est avec beaucoup d’autodérision que le dramaturge s’adonne à l’exercice…

Sortant le précieux manuscrit de son sac, il glisse son doigt sur la couverture. "Je faisais les pages couvertures avant même d’écrire mes états d’âme." L’oeuvre au coeur de la pièce est un "roman policier" de 22 pages empreint de toute la naïveté et de l’innocence dont est capable un enfant de neuf ans. Ce n’est évidemment pas le roman qui attirera l’attention, quoi qu’en pense le personnage de Diogène, mais plutôt la lecture que ce dernier en fera. "Diogène trouve ça sublime. Pour lui, ça révolutionne la littérature mondiale!" Inspiré de Fabrice Luchini et de ses techniques de vulgarisation, Giguère a concocté une pièce interactive où le public sera invité à chercher le meurtrier…

DERRIERE DIOGENE

Rare dramaturge à sévir dans la région, Martin Giguère n’est pas affilié qu’au Théâtre du Faux Coffre. Il entretient d’ailleurs une relation d’amour-haine envers les Clowns noirs. "Les personnages sont super amusants à jouer, mais écrire pour eux, c’est autre chose. Parce que tu ne peux pas les transformer, ils ne peuvent pas évoluer."

Celui qui a écrit Job et Onan chérit donc d’autres projets. Retraité pendant trois semaines dans un chalet familial, il a entre autres travaillé à l’écriture d’une nouvelle pièce de théâtre, intitulée Les Deux Bègues. Entreprise d’envergure impliquant 12 comédiens, revisitant les 10 plaies d’Égypte, le texte est une "tragédie légère" réfléchissant au bégaiement: "Dans la vie, je suis un peu bègue. Les bègues, sur scène, ça ne bégaie pas. Il y a plein de théories pour l’expliquer. Il y en a qui disent que c’est parce qu’on sait ce que l’autre va dire, et alors on n’a pas d’appréhensions…" La scène devient en quelque sorte un chemin qui s’ouvre dans la mer, laissant libre la parole.

La liste des grands chantiers de Giguère ne se résume pas à ceux déjà énoncés. Le dramaturge a répondu récemment à l’appel de Guylaine Rivard (Théâtre CRI), qui a eu l’idée de créer une pièce de théâtre pour souligner le 100e anniversaire de la naissance du peintre naïf Arthur Villeneuve. Le texte a passé la rampe: "On l’a lu devant la famille Villeneuve, les gens de la Pulperie et de la Ville de Saguenay. Il fallait trouver une façon de montrer que son art a été controversé sans que les spectateurs ne puissent s’identifier à ceux qui l’ont persécuté. J’ai réussi. Ils ont beaucoup aimé ça." La pièce ne sera toutefois jouée qu’en 2011, des engagements ayant déjà été pris par la Pulperie de Chicoutimi pour la prochaine saison estivale.

Giguère a-t-il d’autres projets d’écriture? "J’ai le goût de revenir au roman. Le problème, c’est que je n’ai rien à dire!" Rien à dire? Allons donc.

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Les Clowns noirs, André Sauvé