Gina Gibney : Perceptions du monde
Scène

Gina Gibney : Perceptions du monde

La New-Yorkaise Gina Gibney importe à Montréal un projet d’aide aux femmes victimes de violence et présente View Partially Obstructed, une pièce étonnamment interactive.

C’est un oiseau rare dans le paysage de la danse contemporaine new-yorkaise. Depuis 1991, Gina Gibney mène une double vie. Elle crée des oeuvres avec les danseurs de sa compagnie et les implique dans le milieu communautaire pour contribuer à la réhabilitation d’individus dans le besoin.

"C’est un défi d’avoir une compagnie aux États-Unis, nous avons peu d’occasions de tournées, alors l’intervention sociale offre une autre façon d’entrer en lien avec un public, de partager une expérience et une mission, commente la chorégraphe. Cela complète merveilleusement le travail artistique, cela enrichit les danseurs comme êtres humains et renforce les liens au sein de la compagnie."

Concrètement, la compagnie mène des actions auprès de jeunes, de personnes atteintes du sida et de femmes victimes de violence conjugale. En décembre dernier, certains de ses danseurs sont venus former des interprètes de Montréal Danse pour des interventions qui se dérouleront sur trois ans auprès de pensionnaires de la maison d’hébergement La Dauphinelle.

"Il ne s’agit pas de thérapie, et les danseurs ne se transforment pas en travailleurs sociaux, précise Gibney. On utilise leurs forces personnelles et artistiques pour amener le pouvoir et la vitalité de la danse à des gens qui en ont besoin." Stimuler la créativité pour favoriser la réappropriation des corps et la réhabilitation des êtres bafoués. Tel est l’objectif du projet Danser contre la violence, initiative de l’Agora qui fait de la représentation du 25 février une soirée-bénéfice au profit de La Dauphinelle.

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La femme est si centrale dans le travail de Gibney qu’entre 1997 et 2008, sa compagnie a été exclusivement féminine. "Ce choix a correspondu à l’affaiblissement du statut de la femme dans le monde de la danse aux États-Unis à une certaine période, explique la chorégraphe. J’ai dû aller profondément dans la physicalité et la psyché des femmes pour leur donner une individualité. Après 10 ans, j’ai réalisé qu’il était temps de passer à autre chose et que finalement, la meilleure façon de montrer leur pouvoir était de les mettre en relation avec des hommes."

Sa plus récente création, View Partially Obstructed, est donc la première depuis des années à intégrer des hommes. Elle traite des limitations que chacun peut s’imposer, consciemment ou non, dans sa façon de percevoir le monde. Pour symboliser le caractère réducteur et instable des constructions mentales, l’espace est compartimenté par des panneaux qui en permettent une reconfiguration aussi radicale que rapide et sur lesquels sont projetées des improvisations visuelles du designer graphique Joshua Ott.

"La technologie SuperDraw que Joshua a mise au point cadre parfaitement avec mon concept, note Gibney. Les figures qu’il crée sont d’une grande beauté et changent rapidement. Et étant donné que la pièce porte sur ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas, j’aime qu’il soit à la fois acteur et observateur." Fait intéressant: les détenteurs d’un iPhone pourront jouer avec ce fabuleux outil de création graphique en téléchargeant le programme après la représentation.