Meg Stuart : Microcosme familial
Scène

Meg Stuart : Microcosme familial

La chorégraphe états-unienne Meg Stuart est de retour à l’Usine C avec Do Animals Cry, une pièce de groupe sur la famille à la fois drôle et grinçante, l’un des spectacles les plus attendus de la saison.

Née aux États-Unis mais basée à Bruxelles depuis 1989, Meg Stuart a l’art de magnifier danse et théâtre dans des oeuvres où les failles de l’âme humaine sont observées au microscope. Indocile à toute volonté de l’esprit, le corps s’y disloque, se tord, chute et se traîne dans une danse d’état qui peut éblouir autant qu’elle peut laisser dubitatif. Avouons-le, les oeuvres de la fondatrice de la compagnie Damaged Goods ne sont pas faciles d’accès, mais elles n’en sont pas pour autant moins fascinantes. Chose certaine, une création sur les dynamiques familiales ne peut laisser personne indifférent.

"On présente souvent la famille comme un système stable alors qu’il est plutôt instable, lance Stuart. Il s’y opère toujours des glissements de la réalité et des perceptions. Il arrive que l’on y trouve normales des situations qui ne le sont pas, ou que les rôles de chacun soient interchangés sans que l’on s’en rende compte. C’est pourquoi la pièce montre la famille du point de vue des différents membres et que les interprètes n’ont pas de rôles fixes."

Ainsi, les six danseurs de Do Animals Cry, quatre hommes et deux femmes, interprètent tour à tour le père, la mère, un enfant… Ils forment un corps collectif avec ses propres règles de fonctionnement, une manière particulière d’appréhender le monde et une physicalité partagée; un groupe étrange où l’on observe comment les idées se transmettent et comment les comportements se répètent d’une génération à l’autre. Le tout avec un soupçon de parole et une pointe d’ironie qui allège l’atmosphère.

"Il y a un personnage un peu spécial, qui arrive plus tard et qui peut être la mort, un ange ou je ne sais quoi, commente la chorégraphe. Les autres sont très physiques car on parle beaucoup de dépendance, d’attachement obsessionnel comme celui d’une mère qui adopte parfois un comportement bien plus infantile que son enfant, qui en vient alors à devoir adopter la position de l’adulte… Mais quel que soit le rôle qui leur est assigné, ils le refusent… La danse traduit leurs attitudes et aussi leurs paysages intérieurs, leurs émotions, leurs désirs. J’ai beaucoup travaillé avec les danseurs sur l’ouverture et la transparence. Le mouvement est parfois amplifié, parfois plus minimal, selon qu’ils se sentent joyeux ou isolés."

Croisés au hasard d’ateliers et autres projets, les interprètes ont des personnalités marquées et composent un "casting bien équilibré avec une bonne chimie de groupe". La chorégraphe les a choisis pour leur capacité d’improvisation, leur goût du risque et leur puissance émotionnelle. Elle poursuit par ailleurs ici sa collaboration avec deux des concepteurs de Forgeries, Love and Other Matters, vue en 2006 à l’Usine C: le compositeur Hahn Rowe et la plasticienne Doris Dziersk. Cette dernière signe une scénographie où une table et des chaises sont brûlées, où une niche symbolise ironiquement la maison et où un impressionnant nid végétal géant fait office de lieu de transmission, de transformation et de crypte pour secrets de famille.