Les Essais : Monseigneur toutou
Scène

Les Essais : Monseigneur toutou

Avec Les Essais, d’après Montaigne, le Théâtre du Sous-marin jaune revisite une autre des pierres d’assise de la pensée moderne. Gare au loup!

"Le 16e siècle est un siècle rock’n’roll!" Loup bleu, cette peluche philanthropique habituée de fourrer son nez dans les textes majeurs de l’histoire de la pensée occidentale, nous l’assure d’entrée de jeu. Après d’ailleurs s’être offert un solo de batterie bien senti…

La table est mise pour Les Essais, d’après Montaigne, le nouveau délire du Théâtre du Sous-marin jaune, qui nous a déjà entraînés, avec succès, à la rencontre de Voltaire et Descartes. Les essais du titre, déduisons-nous, ne désignent pas que ceux du grand humaniste bordelais, mais également les risques pris par la compagnie dans le cadre de cette production, à commencer par cette idée de placer au coeur de la proposition un film, réalisé à cette fin et projeté sur un écran de dimensions cinéma ou presque – les comédiens, sur les planches, auront d’abord pour rôle d’assurer la narration du long métrage.

Qui dit essais dit aussi erreurs. L’agencement des séquences filmées, qui vont de la scène de vie conjugale au massacre de la Saint-Barthélemy, tiennent moins souvent de l’animation minimaliste réussie que du film amateur, mais l’acuité du texte (coécrit par Michel Tanner, Loup bleu et ceux qui se cachent derrière ce dernier) ainsi que le rythme endiablé de l’ensemble (mise en scène de Jacques Laroche) font mouche. Le tout défendu par une troupe solide (Béatrix Ferauge est d’une grande justesse; Antoine Laprise est exquis dans le rôle du Loup), bien que l’imposant Guy Daniel Tremblay ne soit pas toujours convaincant dans les souliers, grands faut-il dire à sa décharge, de Montaigne.

La principale réussite de ce spectacle, comme c’était le cas avec Discours de la méthode, en 2005, c’est de puiser dans la vie et l’oeuvre d’un grand penseur avec humour, invention et irrévérence, tout en mettant véritablement en valeur ladite oeuvre et surtout sans jamais cesser de faire appel à l’intelligence des spectateurs. L’ensemble paraîtra un peu étourdissant à ceux pour qui La Boétie, le duc de Guise, Catherine de Médicis et autres figures du 16e siècle disent peu de choses, mais gageons que ceux-ci n’auront qu’une envie en sortant du théâtre: mettre à leur tour le nez dans leurs classiques.