Paula de Vasconcelos : Élargir ses horizons
Scène

Paula de Vasconcelos : Élargir ses horizons

Après avoir abordé la compassion dans Kiss Bill, Paula de Vasconcelos nous conduit sur la route des Indes avec Boa Goa pour chanter les louanges du métissage culturel.

Ce n’est pas un hasard si la metteure en scène et chorégraphe Paula de Vasconcelos a baptisé Pigeons International la compagnie qu’elle a fondée en 1987 avec le comédien Paul-Antoine Taillefer. Portugaise d’origine débarquée au Québec à l’âge de 4 ans, elle place le métissage au coeur de ses créations, faisant cohabiter différentes disciplines et artistes d’horizons divers. Cette fois, la rencontre interculturelle est le sujet même de Boa Goa ("bonne Goa", en portugais). Construite comme une partition musicale en trois mouvements, la pièce évoque le voyage de l’explorateur Vasco de Gama qui, à la toute fin du 15e siècle, ouvrit la voie maritime des Indes.

"Le prélude évoque la grande traversée, la réalité se complexifie dans la section centrale où l’on découvre l’Inde dans une construction de tableaux dansés et théâtraux, et le mouvement final est le retour où l’on voit comment le langage physique et les couleurs ont été métissés", explique la créatrice qui a collaboré avec un groupe de folklore portugais et avec le chorégraphe d’origine indienne Roger Sinha.

"Je me focalise beaucoup sur le courage et l’énergie qu’exigeait une telle aventure, sur le mélange d’attirance et de peur à l’oeuvre dans la rencontre et sur le mystère de l’Autre, sur l’idée qu’on ne parvient jamais à le connaître totalement, même quand on en a le profond désir. Et puis, il y a la mer, lien physique, géologique, géographique entre les continents, qui devient aussi le symbole de leur lien psychique."

Élément fondamental du spectacle, l’eau est omniprésente, mais elle n’est qu’évoquée. Pas de scénographie luxuriante ni de projections figuratives dans cette nouvelle création, comme c’est souvent le cas dans les oeuvres de Pigeons International. L’écran ne devrait servir cette fois qu’à nous livrer les mots que chuchotent les six interprètes, et l’immense structure de bois qui occupe la scène peut aussi bien représenter la coque d’un bateau que le fond des océans et les rives des continents. Et si la théâtralité demeure très forte dans Boa Goa, une poésie impressionniste remplace toute narrativité. Tantôt marins, déités indiennes ou simples hommes et femmes, les danseurs ne campent pas de personnages définis.

"Je ne voulais surtout pas raconter une histoire ni illustrer quoi que ce soit", déclare Vasconcelos, qui a suivi les traces du navigateur portugais à l’occasion d’un voyage de trois semaines en Asie. Je voulais filtrer l’histoire de cette découverte par mon imaginaire et ma subjectivité, ne pas consommer l’Inde en montrant tout ce que j’y ai vu, mais l’intégrer et juste laisser émerger ce qui était nécessaire." Pas de discours politique évident non plus dans le spectacle, même si le sujet prête à une réflexion sur la mondialisation qu’a initiée l’ouverture des voies maritimes aux premiers échanges commerciaux à l’échelle mondiale.

Avec des interprètes d’origines variées, la distribution témoigne à elle seule des bienfaits potentiels du métissage culturel. On y retrouve Natalie Zoey Gauld, jeune interprète encensée pour les qualités techniques et émotionnelles de son interprétation dans Kiss Bill. Invitation au voyage…