Silence radio : Chute libre
Silence radio, une création collective du Théâtre de la Banquette arrière, est un objet inabouti, une fable métaphysique qui ne tient qu’à un très mince fil.
La création collective, ce beau rêve, peut-elle encore advenir dans le contexte institutionnel du théâtre québécois? À voir les efforts du Théâtre de la Banquette arrière avec Silence radio, on a envie de répondre "non". Si certains artistes, comme Éric Jean ou le Théâtre de la Pire Espèce (dans ses meilleurs moments), réussissent à travailler à long terme par écriture scénique tout en s’acclimatant à de contraignantes structures de production, ils sont probablement l’exception qui confirme la règle.
Dans Silence radio, le manque de maturation se voit partout. D’abord dans le texte, profondément inégal, où l’on reconnaît les traces de l’écriture "à 16 mains" malgré les efforts du comédien et auteur Mathieu Gosselin pour harmoniser le tout. Certains personnages sont plus étoffés, comme le théoricien du complot interprété par Éric Paulhus et la diva déchue de Rose-Maïté Erkoreka, mais c’est moins le cas de la cosmonaute russe jouée par Anne-Marie Levasseur et de son pendant terrien, l’animateur de radio pirate que Patrick Hivon incarne avec fougue. Leurs étranges monologues sur la solitude, remplis de métaphores obscures et d’ébahissements candides, sont si pléthoriques que le sens s’y perd.
La pièce souffre aussi de l’éparpillement de sa thématique, et par conséquent d’un certain manque de profondeur. S’il n’y a aucun doute sur la dimension métaphysique du texte et que l’on y identifie les louables efforts de faire se rencontrer les notions d’élévation et de chute, de recherche de spiritualité et de sens commun, le spectacle ne dépasse que trop rarement le cliché.
Bien sûr, l’univers créé par le collectif évoque une société effritée et individualiste, dans laquelle chacun est insensible à son voisin malgré les liens invisibles qui l’unissent à lui. Mais pour qu’émerge de là un véritable sens, suffit-il d’esquisser quelques primitifs questionnements métaphysiques et de les transposer vaguement dans la quête de personnages errants? Le texte manque de recul, de perspective, de mise à l’épreuve, et apparaît souvent naïf et inachevé, malgré des allures de grand sérieux.
La mise en scène de Geoffrey Gaquère découpe l’espace en différents tracés, emmêle encore plus les différents fils narratifs et essaie tant bien que mal de souligner l’interconnectivité des personnages et leur quête d’élévation, au moyen de cordes tendues et d’échelles rivées vers le ciel. L’effort est louable, mais le rendu est plus confus que signifiant.