José Babin et Alain Lavallée : Paysages
Scène

José Babin et Alain Lavallée : Paysages

Le Théâtre Incliné poursuit son aventure de théâtre de marionnettes interdisciplinaire avec Train, une coproduction québéco-japonaise. Discussion avec la metteure en scène José Babin et le marionnettiste Alain Lavallée.

Voir: Ce spectacle est une coproduction avec une compagnie japonaise, The Kio Company, dans laquelle vous tissez des ponts entre l’Orient et l’Occident. De quelle manière?

José Babin: "Plus je vais au Japon et moins je comprends ce pays en pleine mutation. C’est donc ma vision du Japon qui est mise de l’avant, de manière assez sensorielle, en insistant sur les couleurs, les sonorités, les rythmes que j’ai perçus en tant qu’Occidentale sur le terrain. C’est l’histoire d’une femme venue chercher son fils et qui vit un choc: elle ne trouve pas au Japon ce qu’elle croyait être venue y chercher."

Vous vous inspirez d’un texte de Kenji Miyazawa, un important auteur japonais contemporain. Vous ne cherchez donc pas du tout à aborder la riche tradition théâtrale japonaise?

"En fait, Kenji Miyazawa est un auteur contemporain qui s’intéressait énormément aux cultures occidentales. Sans rejeter la tradition, il a plongé dans l’avenir. C’était un poète, un chercheur, un artiste visuel, un musicien, et il avait une volonté d’aider le peuple japonais à s’épanouir par la science et les arts, en enseignant, par exemple, le violoncelle à des agriculteurs entre deux séances de cours sur les minerais. Pour lui, l’ouverture d’esprit et l’apprentissage se situaient à tous les niveaux. On a voulu respecter sa vision et son grand appétit de la vie. En ce sens, on fait de la marionnette interdisciplinaire, branchée sur les arts visuels, la musique et les autres arts. On s’inspire d’un poème de Miyazawa, Morning of the Last Farewell, autant que de sa vie et de son oeuvre complète."

En quoi la musique, justement, occupe-t-elle une place de choix dans le spectacle?

"C’est par la musique que l’influence orientale se fait surtout sentir. Il y a sur scène deux musiciens japonais, dont l’un qui joue du taiko, un tambour japonais traditionnel. Si nos marionnettes ne sont pas inspirées de traditions japonaises, il y a dans les percussions tout un aspect cérémoniel qui me fascine. J’essaie de m’inspirer un peu de ces codes-là pour la mise en scène."

Vous définissez ce spectacle comme une suite de haïkus visuels. Que voulez-vous dire au juste?

"Pour moi, les haïkus, petits poèmes très courts et très codifiés, sont avant tout des déclencheurs, qui invitent l’esprit à s’ouvrir à un monde bien plus vaste. L’idée, c’est donc de créer des images fertiles, qui sont autant de portes ouvertes sur l’imaginaire. Je vois notre spectacle comme une pièce-paysage, dans laquelle la narration est présente mais demeure ouverte aux dérapages. D’ailleurs, l’idée du train nous inspire cela."

Vous avez aussi développé une nouvelle méthode de manipulation marionnettique.

Alain Lavallée: "On travaille la marionnette par morceaux, c’est-à-dire que certaines marionnettes du spectacle sont en fabrication, en devenir, et sont assemblées graduellement au fur et à mesure de la progression de l’histoire. On travaille aussi la marionnette filmée, pour voir quel rapport s’installe entre la manipulation en direct et sa projection, pour questionner l’effet d’une marionnette projetée visuellement dans l’imaginaire."