Margie Gillis : Liens fondamentaux
Dans Filatures / Thread, Margie Gillis nous offre une réflexion sur le vieillissement en tissant patiemment la toile de la vie.
À 56 ans, après avoir signé une centaine d’oeuvres solos et une dizaine de duos et pièces de groupe, Margie Gillis ne manque ni d’idées ni d’enthousiasme pour de nouvelles créations. "La danse veut sortir, alors j’y vais, je la suis!" s’exclame-t-elle joyeusement. Déjà, en 2007, elle s’intéressait à la nécessaire adaptation au temps qui passe dans A Stone’s Poem. L’année suivante, M.Body.7 marquait ses 35 ans de carrière, et la voilà aujourd’hui qui poursuit sa réflexion sur le vieillissement en trio avec Eleanor Duckworth et Ian Yaworski.
"Assez rapidement dans le processus de création, j’ai su que je voulais deux personnages: un jeune homme et une femme plus âgée que moi, commente la Montréalaise. Je ne savais pas pourquoi, mais c’était des images qui revenaient sans cesse. Et finalement, je trouve que Ian incarne le désir, qu’il est l’archétype de l’amoureux au sens soufi, et qu’Eleanor représente la nature et la foi, évoquant avec une certaine tendresse les paramètres de la vie et de la mort. Ils sont comme des ombres qui manipulent le paysage autour de moi."
La scénographie offre une métaphore de tous les liens qui tissent la trame de nos vies, de nos âmes et de nos mémoires. Du fil invisible à la forêt de cordages, en passant par le filet de pêche, le fil de laine et autres ficelles et cordelettes, les images se multiplient pour servir le propos. Et si l’idée de départ est celle du vieillissement, Filatures / Thread explore en fin de compte des questionnements existentiels universels.
"Je vois notamment des correspondances avec des questions sur le présent, l’avenir ou le mystère de la vie que j’avais en moi à 25 ans, commente Gillis. C’est sûr que je commence une oeuvre avec une intention, avec ce que je suis, avec des questions qui m’habitent et que je retrouve dans la société, mais finalement, la pièce me dépasse parce que je me mets à l’écoute de ce qui veut être créé. Je laisse toujours l’espace pour une réponse qui va au-delà de ce que je pourrais vouloir dire. Je me laisse traverser par une force qui me relie à quelque chose qui guérit au-delà de moi-même et me permet d’aider les gens à se connecter à ce qui est au-delà d’eux-mêmes."
Margie la vulnérable, la généreuse, la magnétique. Celle qui, inlassablement, puise dans sa psyché pour élaborer un matériel chorégraphique faisant fi de la forme au profit de l’énergie, de la sensibilité et de l’authenticité. Celle qui, invariablement, porte le message d’une transformation possible pour une vie meilleure. "J’explore toujours les mêmes archétypes, mais à chaque oeuvre, je les aborde d’une façon nouvelle et c’est une découverte, note la chorégraphe. Je suis vraiment ravie d’avoir enfin réussi cette fois à matérialiser des qualités, des textures, des images que j’avais en tête, mais qu’il me semblait impossible de rendre sur scène. J’ai eu des surprises dont je n’aurais pas osé rêver. Il y a dans la pièce des éléments uniques pour moi que je ne crois pas non plus avoir déjà vus dans le travail de quelqu’un d’autre."